Tourouzelle (Aude), José Garcia est un pionnier de la micro-aspersion en Languedoc. « J’ai installé le système Pulsar, de Netafim, sur 12 ha de cépages bien valorisés qui avaient entièrement gelé en 2021, explique ce vigneron, à la tête du domaine de Saint-Estève, avec 200 ha de vigne. Il y a 700 asperseurs par ha, chacun couvrant 6 m de long sur le rang. Cette installation ne consomme que 9 à 10 m3 d’eau par heure et par ha, soit nettement moins que l’aspersion classique. C’est ce qui m’a intéressé. Et, en été, elle nous permet de brumiser la vigne et d’éviter les grillures. »
« Pulsar peut être installé sur des parcelles où la ressource en eau est limitée. Notre système consomme jusqu’à 70 % de moins que l’aspersion classique, qui demande autour de 45 m3 d’eau/ha/ha », assure Laurent Huet, agronome chez Netafim. Ces asperseurs diffusent un jet elliptique, et non circulaire, ciblé sur le rang. Chacun arrose une bande de 5 m de long sur 60 cm de large. « Notre système évite aussi la saturation du sol en eau », souligne Laurent Huet.
Ce dernier ajoute que Pulsar est efficace jusqu’à -5/-6 °C. « Mais il faut déclencher notre système plus tôt qu’une aspersion classique et il ne peut agir que sur les gelées blanches radiatives, précise-t-il. Lors de gelées noires, les masses d’air et les températures sont trop hétérogènes. De plus, la micro-aspersion n’est pas à utiliser en cas de vent supérieur à 8 km/h. »
Pour sa part, José Garcia n’a pas eu l’occasion de se faire une idée de l’efficacité de son dispositif, n’ayant pas subi de gel en 2023 ni en 2024. Fabrice Gasnier, lui, s’en est faite une. Vigneron à Cravant-les-Côteaux (Indre-et-Loire), il a installé Pulsar dans une partie de ses vignes. Mais il est déçu. « En cas de vent, il y a de la dérive, explique-t-il. Et comme le débit est très faible, le risque de bouchage est élevé. Ça m’est arrivé, parfois dès la mise en route des asperseurs. »
« La micro-aspersion nécessite une filtration performante pour éviter le risque de bouchage ou de diminution du débit », confirme Laurent Huet.
Après sa mauvaise expérience, Fabrice Gasnier a remplacé ses Pulsar par une autre micro-aspersion : Flipper, de Rivulis. Ici aussi, seul le rang de vigne est aspergé. « Les asperseurs utilisent 20 à 22 m3/h/ha – c’est plus que Pulsar –, et ils produisent des gouttelettes plus grosses qui atteignent mieux les bourgeons. Comme les buses sont moins fines, il faut aussi moins filtrer. Ça fonctionne très bien. » Depuis qu’il a cette nouvelle protection, Fabrice Gasnier n’a pas eu à lutter contre le gel. Il ne peut donc pas juger de son efficacité.
À Tourouzelle, José Garcia a aussi choisi la micro-aspersion pour son coût : « Le budget d’installation représente 8 000 €/ha, c’est un investissement raisonnable. » Fabrice Gasnier estime en revanche que la micro-aspersion est plus onéreuse que l’aspersion classique, « de par le nombre d’asperseurs par ha et la nécessité d’avoir un système de filtration. Mais elle est moins coûteuse en carburant, car on utilise moins d’eau ». Laurent Huet évoque une fourchette « entre 7 000 à 10 000 €/ha », et très dépendante de l’écartement entre les rangs car, avec les jets elliptiques, il faut installer des asperseurs sur tous les rangs, contrairement aux jets circulaires.
Selon Laurent Huet, la consommation en carburant peut être divisée par deux en micro-aspersion : « Elle est liée au débit et à la pression des asperseurs. Les nôtres fonctionnent à 2,5 bars, contre 4 en aspersion classique. »
Au Château d’Eyran, à Saint-Médard-d'Eyrans (Gironde), Charles Savigneux dispose aussi d’une installation d’aspersion à faible pression, sur 12 ha. Mais ici, les jets sont circulaires et non elliptiques. « C’est mon père qui s’en est équipé avant 2000. Ces diffuseurs – des Kulker – apportent une protection efficace contre tous types de gelées, avec leurs têtes rotatives qui arrosent sur un rayon de 9 à 10 m. Il y en a 120/ha qui forment un maillage uniforme sur la parcelle. Les asperseurs sont à 2 bars. Ils apportent 2 mm/heure. En tout, on consomme 20 m3/ha/h. » Si ces diffuseurs ne sont pas ciblés sur le rang, ils impliquent de filtrer soigneusement l’eau, comme ceux de Netafim et de Rivulis. Protéger du gel avec peu d’eau n’est pas sans contrepartie.
Pour être autorisés à prélever de l’eau afin de lutter contre le gel, les vignerons doivent montrer patte blanche. « Pendant plusieurs années, à la demande de la DDT, nous avons mené une étude d’impact de l’aspersion, qui a montré que 85 % de l’eau prélevée pour lutter contre le gel revenait dans son milieu naturel, rappelle Fabrice Gasnier, qui était à l’époque président de l’ODG Chinon, où il existe une Cuma d’aspersion. Grâce à cette étude, depuis 2023, nous sommes dispensés du régime irrigants. » « Nous avons installé des compteurs pour chiffrer notre consommation face à celle des agriculteurs de notre bassin versant, afin que nous soyons autorisés à prélever de l’eau, de façon pérenne et non plus dérogatoire », indique Michel Delanoue, président d’une Cuma d’aspersion à Bourgueil. À Chablis, un vigneron confie : « La DDT nous considère comme des irrigants et s’intéresse à nos consommations d’eau. Mais, pour le moment, elle ne nous impose pas de compteurs, et c’est tant mieux. »