n 2021, près de Vouvray (Indre-et-Loire), des riverains se sont plaints du bruit émis par les tours antigel de la Cuma La Chancéenne. « Pour apaiser les relations, en 2022, lorsqu’il s’est agi d’acheter trois nouvelles éoliennes, nous avons choisi des Frost-Fans à cinq pales, présentées comme moins bruyantes. Elles sont effectivement moins sonores que nos anciennes tours Orchard-Rite à deux pales, indique Vincent Peltier, un des vignerons de cette Cuma. Les tensions avec les riverains se sont calmées, suite également à l’intervention d’un conciliateur. »
Ces nouvelles tours à cinq pales sont-elles aussi efficaces que les autres ? Vincent Peltier ne peut pas se prononcer. « Nous ne les avons pas encore éprouvées en condition de gel. Mais nous avons pu constater deux inconvénients : elles ne fonctionnent pas en cas de vent supérieur à 10 kilomètres et leur coût d’entretien est plus élevé. »
En Charente, la Cuma Viti Cognac a dû faire face aux mêmes récriminations. « Des personnes se sont plaintes du bruit, expose Didier Bureau, le président de cette Cuma basée à Saint-Sulpice-de-Cognac. Nous avons réglé le problème par la discussion et en prenant des mesures. En 2022 et 2023, nous avons remplacé les hélices à deux pales par des hélices à quatre pales sur les tours qui posaient problème. Le niveau sonore a baissé d’une vingtaine de décibels [dB]. Nous avons aussi équipé de silencieux l’échappement des moteurs de deux tours proches d’habitations. »
La Cuma a dû débourser près de 4 000 € pour chaque silencieux et près de 11 000 € pour chaque changement d’hélices. Sans perdre en qualité de protection, selon Didier Bureau. « Les hélices à quatre pales ont encore peu fonctionné mais sont aussi efficaces que celles d’origine, assure-t-il. Elles tournent moins vite mais brassent plus d’air. Le périmètre de protection des tours me semble même plus large. »
Cette Cuma s’est aussi donné une nouvelle règle pour les parcelles situées à moins de 700 m d’habitations. Dans celles-ci, elle installe des éoliennes moins bruyantes, vendues par RN7 Agri-Services et d’autres fournisseurs, et ce, à 200 m, au moins, des maisons.
Tous les fabricants et distributeurs de tours se positionnent sur ces machines plus silencieuses. Dans le Bordelais, Banton Lauret propose depuis peu des éoliennes à 4 pales C49 de FrostBoss, qui « ne produisent que 51 dB à 300 mètres, contre 61 pour celles à deux pales. Ces tours protègent au moins 5 hectares [ha] avec des points de chauffe disposés à 30 ou 40 mètres autour d’elles », précise Geoffray Lassalle, technico-commercial.
Basé en Corrèze, Terreco distribue pour sa part l’Antibrina 3-22 du fabricant italien Aria. Cette tour électrique à trois pales « est deux fois moins bruyante qu’un modèle classique et couvre 5 ha en moyenne », déclare Pascal Lescure, technico-commercial. Aria annonce un volume sonore de 56 dB à 120 m, 48 dB à 300 m. Terreco distribue une version fixe à 46 500 € HT, et une version mobile de 10 m de haut à 68 000 € HT.
Un autre fabricant, français celui-ci, Denper, a conçu une machine mobile originale dénommée DS Eole. « Son hélice tripale horizontale est confinée dans une goulotte en forme de L. Elle n’émet que 67 dB en sortie d’air », assure Guillaume Péridy, le gérant de l’entreprise, qui promet une protection sur 4,5 ha pour 37 800 € HT.
Viticulteur à Saint-Christophe-des-Bardes (Gironde) près de Saint-Émilion, Romain Garrigue en est satisfait. « En 2021, en la complétant par des chaufferettes et des braséros, elle m’a permis de sauver ma récolte sur 6,5 ha. Et elle est effectivement peu bruyante. Son impact visuel est en outre réduit : repliée, elle fait 3 mètres de haut. »
Setag (ex-Polypoles), un fabricant bordelais, a mis au point la Ventigel. Ce ventilateur permet de couvrir entre 2 et 3 ha, avec un volume sonore annoncé de 57 dB pour les dernières versions, disponibles à moins de 30 000 € HT, indique Setag. « Avec mes deux machines et celle de mon voisin, nous avons sauvé la récolte sur 10 ha dans un bas fonds l’an dernier. Ventigel fait moins de bruit qu’une éolienne et dans sa dernière version, les pales qui tournent sont encore moins sonores », témoigne Grégoire Gabin, vigneron au château Haut-Reys à La Brède (Gironde).
Lancé en 2020 par la fédération des Cuma du Centre-Val de Loire avec des organismes techniques et des entreprises, le programme Sictag a permis d’en savoir plus sur l’intérêt des tours antigel. Les recherches ont montré que les chauffages posés au pied des éoliennes ont un intérêt limité, que les périmètres de protection réels sont souvent inférieurs aux promesses des constructeurs et qu’une tour fixe permet de gagner entre 1 et 2 °C sur ce périmètre. S’agissant des chauffages, les chercheurs de Sictag conseillent de les placer à 30 ou 80 m des tours, où la chaleur est moins susceptible de se disperser car la vitesse de l’air chute. D’autres expérimentations ont confirmé que des hélices à quatre pales sont moins bruyantes que celles à deux pales. Sictag devrait être prolongé par Optitag, qui portera notamment sur le bruit émis par les éoliennes selon le type de machines et la topographie, ainsi que sur l’effet du brassage d’air sur le risque de maladies.