lowin' in the wine : avec le tonitruant retour de Donald Trump à la présidence américaine, le pire comme le meilleur restent possibles pour les vins et spiritueux sur le marché américain durant les quatre prochaines années. Les exportateurs peuvent aussi bien être happés par une étourdissante relance économique nourrissant le commerce transatlantique, qu’être entraînés dans la spirale sans fond d’imposition de droits douaniers qui animent ces derniers jours une diplomatie purement transactionnaliste. Une épée de Damoclès sur un air de déjà vu, avec les taxes Airbus/Boeing ayant plombé le vignoble français de 2019 à 2021 (seulement suspendues jusqu’à 2026). La grenade américaine semble déjà dégoupillée et pouvoir exploser à n’importe quel moment pour n’importe quel sujet, à la réglementation/taxation sur les géants du numérique (une menace déjà connue par les vins français).
Les déclarations semblant délirantes se succèdent, mais ne sont pas à prendre à la légère quand on voit leurs conséquences réelles et rapides. Pas de pas géopolitique-fiction, la logique du bras de fer brutale des États-Unis est concrète, comme en témoignent les exemples qui se succèdent : l’échauffement sur la Colombie forcée de se plier aux exigences de la Maison Blanche sous peine de droits douaniers de 25 % immédiats, la montée dans les tours avec la valse de menaces et de négociations avec le Canada et le Mexique, où un appel entre exécutifs suffit à lancer un mois de négociations après l’annonce brutale de droits de douane, le gros morceau des 10 % additionnels sur la Chine… Et les évocations de représailles sur l’Union Européenne qui aurait mal traité les États-Unis. Si Bruxelles indique déjà sa volonté de ne pas se laisser faire, avec réplique et risque d’escalade s’il n’y a pas de négociations possibles, les exportateurs français de vins et spiritueux n’ont qu’une certitude : tout peut changer en un instant, sur le fait du prince.
Pop-corn in the USA, cette diplomatie du coup de menton et de la pure communication n’est pas si inédite de l’autre côté de l’Atlantique. Lors de son discours d’investiture, Donald Trump citait en exemple le président William McKinley (25ème président des états-unis, de 1897 à 1901) et ses fortes taxes à l’importation. « L'histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d'originaux et beaucoup de copies » écrivait Alexis de Tocqueville dans l'Ancien Régime et la Révolution (1866). Le tournant américain criant de l’unilatéralisme et du protectionnisme rimant avec impérialisme, on peut craindre qu’après la pax romana la taxe americana soit la nouvelle donne diplomatico-géopolitique.
De quoi rappeler les évidences sur la force des terroirs viticoles français dans la compétition internationale pour conquérir des parts de marché. En témoigne l’économiste Adam Smith dans ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) : « les avantages naturels qu’un pays a sur un autre pour la production de certaines marchandises sont quelquefois si grands, qu’au sentiment unanime de tout le monde, il y aurait folie à vouloir lutter contre eux. Au moyen de serres chaudes, de couches, de châssis de verre, on peut faire croître en Écosse de forts bons raisins, dont on peut faire aussi de forts bons vins avec trente fois plus peut-être de dépense qu’il en coûterait pour s’en procurer de tout aussi bon à l’étranger. Or, trouverait-on bien raisonnable un règlement qui prohiberait, l’importation de tous les vins étrangers uniquement pour encourager à faire du vin de Bordeaux et du vin de Bourgogne en Écosse ? »
Un raisonnement par l’absurde qui n’est plus si ridicule par les temps qui courent. « Quand l’absurde est outré, l’on lui fait trop d’honneur
De vouloir par raison combattre son erreur ;
Enchérir est plus court, sans s’échauffer la bile » écrivait Jean de La Fontaine dans sa fable Le Dépositaire infidèle (1678). En attendant les prochains épisodes et coups d’éclat de Donald Trump, I walk the wine.