omment voyez-vous la santé de la filière des vins bio actuellement ? Est-elle autant en crise que le reste des vins français ou est-elle plus épargnée ?
Sébastien David : Il n’y a pas de raison que le bio soit à 100 % exempté par la crise. Au national, les chiffres de vente des vins bio sont à la baisse, comme tout le monde. Mais il y a des différences par région. On ne le voit rien qu’avec la campagne d’arrachage qui se concentre à Bordeaux et dans le Midi, quand la pression d’arrachage est moins forte dans la Loire. Les situations sont tellement disparates selon les régions. Cela faisait des années que la filière des vins bio se portait bien, avec de beaux développements. Est-ce que l’on est arrivé à un plafond de verre ? Je ne sais pas. Il est certain qu’il ne faut pas relâcher les efforts pour la commercialisation. Il y a encore un an, il était facile de développer les ventes. Maintenant, il n’y a que ceux qui se bougent et s’affairent pour travailler leur clientèle et leurs prospects qui sont sur le chemin de la progression commerciale.
Dans ce rapport à la crise, distinguez-vous les producteurs de vins bio déjà bien implantés ayant développé des réseaux valorisés (vente directe, export, magasins spécialisés…) des nouveaux venus plus orientés sur le vrac alors que la grande distribution semble en panne ?
Les néovignerons et néonégociants bio rencontrent la difficulté de ne pas bien connaître encore leurs marchés. Ça fait 25 ans je suis sur le marché du vin bio, je le connais et il n’y a pas vraiment de surprise. Le fait est que l’on ne peut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Il y a des gens qui rentrent en bio par conviction et d’autres par intérêt économique, il y en aura toujours. Ce qui est étonnant, c’est le manque de connaissance des basique du commerce : connaître ses coûts de production, faire des focus sur les marchés porteurs et ne pas tirer partout en même temps. Partout en France ce sont les vin blancs qui ont le vent en poupe, mais pour la Loire par exemple, on se rend compte que ce sont les rouges qui marchent. Sans doute grâce à la spécificité de nos vins rouges légers et fruités plus en adéquation avec le commerce et les demandes du marché.
Face aux difficultés des valorisations du vin bio, la loi Egalim serait-elle une solution pour maintenir des prix rémunérateurs ?
Paix à l’âme de Didier Guillaume, son créateur, mais il y a déjà eu trois lois Egalim sans que l’on ait vu des évolutions du revenu des agriculteurs au-delà des effets d’annonce. Personne ne souhaite vendre à perte, être en soldes toute l’année. On ne peut plus entendre que les agriculteurs doivent vivre de subventions ou de prêts bonifiés à 0 %.
Le projet de suppression de l’Agence Bio inquiète-t-il les vins bio, notamment pour leur communication ?
Cette volonté de centraliser dans l’Etat les missions de l’Agence Bio a ses limites, comme le jacobinisme. Il devait y avoir une campagne de communication lancée le 22 février sur le salon de l’Agriculture à Paris. Comme l’on est 5 grandes régions au sein de FranceVinBio (Bordeaux, Occitanie, Sud-Est, Champagne et Loire), on avait proposé avec l’Agence Bio d’avoir des actions menées ensemble (ensuite en mai avec le "bioréflexe" puis en septembre lors des foires aux vins d’automne).
Réglementairement, les vignes bio sont suspendus au niveau européen sur la question des phosphonates. Quelle est la position de FranceVinBio ?
C’est une folie. On est clairement contre l’autorisation des phosphonates. On passerait une ligne critique du bio : un phosphonate n’est pas un produit naturel, il est de synthèse. Le cahier des charges bio européen, l’eurofeuille, est le seul à être indemne de produit de synthèse. Si l’on fait rentrer le loup dans la bergerie, si l’on autorise ça aujourd’hui, je ne vois pas comment on peut être bio à l’avenir. En plus, les phosphonates laissent des résidus pendant plusieurs années (dans les vignobles et moûts).
Le vignoble bio reste sur la sellette pour le cuivre et ses doses qui arrivent à leurs limites sur les derniers millésimes…
Bien sûr que l’on est sur la sellette. Certaines vignes sont arrivées à 7-8 kg de cuivre cette année tellement pluvieuse, mais on peut lisser à 4 kg/ha sur 7 ans et des années précédentes étaient très sèches. Ce sont surtout Bordeaux et la bordure atlantique qui sont dans la peine. Il y a un enjeu de technicité pour optimiser le positionnement des traitements. Produire du vin bio aujourd’hui est quelque chose de beaucoup plus technique qu’on ne le pense de l’extérieur. Le vin bio n’est pas produit par des soixante-huitards, mais par des techniciens de plus en plus précis.
La désalcoolisation des vins est aussi un sujet de la réglementation bio actuellement.
Après la désalcoolisation, je ne pense philosophiquement pas que ce soit encore du vin. Pour moi, on ne devrait plus parler de vin désalcoolisé. Ce n’est plus un produit naturel pour moi non plus. Il y a aussi un coût environnemental, en eau et énergie…
Vous ne semblez pas convaincu par le sans alcool...
J'en ai beaucoup goûté, mais très peu de corrects. La question est de savoir si la tendance durera.