’était il y a trente-cinq ans. En 1990, Jean-Michel Petit crée le Domaine de la Renardière à Pupillin, près d’Arbois, dans le Jura, avec un seul hectare loué à ses parents. Après un BTS viti-œno à Beaune, ce Jurassien, fils de vignerons coopérateurs, retourne au pays après avoir accumulé des expériences en France et au bout du monde pour vinifier son premier millésime chez un voisin.
L’année suivante, sa surface a doublé mais le gel détruit la récolte. « J’ai eu du temps pour construire ma cuverie », positive le vigneron. Avec peu de moyens pour investir, il récupère et plante cinquante ares chaque année, puis fige sa surface à 7,5 ha. « Au bout de dix ans, je commençais à vendre davantage de vin. J’ai embauché mon premier salarié », se souvient celui dont le domaine fait désormais vivre quatre personnes sur cette même surface.
À cette même époque, Jean-Michel Petit décide de s’affranchir de la chimie. « Cela m’embêtait d’être dans un environnement gavé de phytos, justifie-t-il. J’ai évolué très lentement car je n’avais pas les moyens d’investir et aucun acheteur n’était prêt à payer le vin plus cher. » En 2010, il est en bio, mais il boude le label. « Des collègues m’ont convaincu de me certifier, et ils ont eu raison, admet-il. Cela ôte de la tête l’idée qu’en cas de coup dur, on peut refaire un petit traitement. »
Cette tentation aurait pu être grande en 2024. « Je n’ai jamais autant traité de ma vie », avoue Jean-Michel Petit. Avec son fils Léo et leurs deux salariés, ils ont fait la course contre les maladies. Bilan : douze traitements et une dose record de 5,2 kg/ha de cuivre. Mais ils ont sauvé la demi-récolte qui avait survécu au gel. « Le bio, ça marche, à condition d’être hyper réactif », affirme le vigneron.
Cependant, on ne l’entendra pas critiquer ses collègues en conventionnel. Il se plaît à penser que demain ils seront peut-être en bio. « Et j’ai horreur des discours de chapelle, reprend-il. Les étiquettes bio, vin nature, biodynamie… Ça divise trop les vignerons. On essaie simplement, tous, de faire du bon vin. »
Pour lui, cela passe d’abord par le travail à la vigne : « Si on rentre de beaux raisins, la vinification est simple. » En levures indigènes depuis 1994, il vinifie le plus naturellement possible, mais ne tente plus le zéro soufre : avec des pH de plus en plus élevés, c’est trop risqué. « Je mets 1 à 2 g/hl à la mise en bouteille, loin des doses qu’on me préconisait à l’école », sourit-il.
Jean-Michel Petit aime aussi expérimenter : des élevages plus ou moins longs, des jarres en grès au lieu des fûts de chêne pour apporter plus de réduction, etc. Au total, sa gamme comporte treize vins issus des cinq cépages jurassiens qu’il valorise à un prix élevé : autour de 17 € HT en moyenne.
À la vigne, il s’inspire désormais de la biodynamie sur 80 % de sa surface. « J’ai l’impression que cela apporte un peu plus de tension aux vins, partage-t-il. Avant, je trouvais les vins issus de la biodynamie trop acides. Depuis que le climat se réchauffe, cela m’intéresse. Mais je suis assez cartésien, alors je garde 20 % de témoin pour comparer. »
Les marchés eux aussi ont évolué. « Longtemps méconnu, le Jura a commencé à plaire dans les années 2010, surtout au grand export, se souvient-il. On a exporté jusqu’à 70 % de nos vins. Puis le marché français s’est réveillé. Et même si c’est chronophage, on reçoit beaucoup de particuliers au caveau. » Aujourd’hui, 35 % des 30 000 cols partent à l’export, surtout Europe, 40 % aux restaurants et cavistes français et 25 % aux particuliers.
Quant à l’avenir du domaine, à 58 ans, Jean-Michel Petit est serein. « En 2018, j’ai confié à Léo les clés du chai, relate-t-il. Je lui ai transmis ma sensibilité, pas des recettes de cuisine : à lui de faire ses expériences. »