n viticulture, les coûts de mécanisation représentent entre 30 et 40 % des charges. Alors, plutôt qu’acheter seul du gros matériel, pourquoi ne pas investir en commun via une Cuma pour diminuer les coûts, surtout lorsqu’on s’installe ? Dans le Pays nantais, des vignerons ont pu s’appuyer sur la Cuma de Bacchus, à La Haie-Fouassière, afin de réduire leurs frais mais aussi le temps passé à entretenir et à changer de matériel.
En 2014, Manuel Landron et sa compagne Marion Pescheux ont créé le domaine Complémen’Terre à La Haie-Fouassière sur 7,5 ha de vignes en bio. « Lors de notre installation, nos parents nous ont prêté de l’argent pour l’achat des vignes et du petit matériel, mais nous étions sans solution pour le gros matériel », raconte Manuel Landron. Dès leur première année, ils adhèrent donc à la Cuma de Bacchus. Aujourd’hui, celle-ci s’étend sur 9 communes, compte 18 adhérents et propose des tracteurs, du matériel de travail du sol, d’entretien des vignes (rogneuse, effeuilleuse), de traitements des effluents vinicoles ou encore une chaîne d’embouteillage, d’habillage et d’encartonnage.
Manuel et Marion ont pris des parts dans la tireuse avec filtre, l’étiqueteuse, le traitement des effluents vinicoles, un tracteur et sa tondeuse. « Je fais presque 60 % d’économie sur la mise en bouteille, comprenant lavage, remplissage et étiquetage. Faire venir un prestataire d’embouteillage (sans étiquetage), c’est 0,10 € par col. À la Cuma, on est à 0,02 €. Ce sont des investissements en commun très rentables ! », déclare satisfait Manuel devenu trésorier de la coopérative.
« Lorsque nous nous sommes installés, la Cuma n’avait pas de matériel de travail du sol, précise-t-il. C’est la raison pour laquelle nous en avons emprunté à d’autres viticulteurs, puis nous avons pu être indépendants sur ce sujet en 2018. » C’est au fur et à mesure des années, des adhésions et des besoins que la Cuma s’est équipée d’un cover crop, d’une rogneuse, d’un broyeur à sarments et d’une effeuilleuse.
Rémi Thébault, vigneron en biodynamie sur 8,5 ha, a quant à lui pu bénéficier de certains de ces investissements dès qu’il s’est installé en 2022 au Loroux-Bottereau (44). « J’ai adhéré à la Cuma de Bacchus pour le broyeur à sarments que l’on utilise peu à l’année et qui coûte cher et pour le cover crop. Pour ces outils, j’ai une facture Cuma de 1 000 € par an. Si j’avais dû investir seul, même dans du matériel d’occasion, je n’aurais pas été gagnant. » Pour le reste, il partage du matériel avec un autre viticulteur, notamment un tracteur et des outils de travail de l’interrang. Il a aussi fini par investir près de 20 000 € dans deux vieux enjambeurs Loiseau, un pulvé et des outils de travail du cavaillon. « Je voulais être indépendant pour le désherbage mécanique du cavaillon et pour la pulvé », raconte-t-il.
Rémi Thébault ajoute : « L’avantage d’être en Cuma n’est pas seulement financier. Dans la nôtre, les outils sont en permanence sur l’enjambeur qui leur est dédié. Pour nous qui sommes en vignes étroites, on gagne un temps monstre à ne pas atteler et dételer les outils. » Dans un souci d’équité, tous les adhérents ayant des parts dans des outils doivent prendre des parts dans les tracteurs qui les emportent. Rémi Thébault a donc dû prendre des parts sociales dans le broyeur à sarment mais également dans le tracteur enjambeur Loiseau Dogger 7H sur lequel il est toujours attelé.
Manuel Landron salue le côté pratique de l’entretien du matériel, plus régulier en Cuma car effectué après chaque utilisation. « C’est une économie déportée, que cela soit en temps ou en coûts de pièces et de main-d’œuvre », explique-t-il. De plus, le matériel investi en Cuma permet de faire évoluer les pratiques sans se ruiner : « Les investissements en matériels pour la viticulture biologique peuvent vite grimper. La question de s’équiper se pose moins en Cuma. En revanche, c’est l’organisation qui peut poser problème. »
En effet, des couacs se produisent par manque de communication. « Il nous est arrivé de nous emmêler les pinceaux sur les emplois du temps, lorsque les fenêtres de passage d’outils sont très brèves », raconte Rémi Thébault. Selon lui, c’est la limite à l’adhésion en Cuma : lorsque les surfaces engagées par les adhérents deviennent trop importantes pour les outils très utilisés, comme les interceps, l’organisation peut en pâtir et limiter le champ d’action des vignerons.
En Cuma aussi, il est possible de bénéficier d’aides pour investir dans du matériel en passant par le Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE). Le matériel choisi subventionné doit rentrer dans tout ce qui peut réduire la dépense de certaines ressources, par exemple en encouragent l’implantation et l’entretien d’engrais vert, l’enherbement ou des zones de compensation écologique. Pour cela, les formations PCAE devront être suivies par, au minimum, 2 adhérents de la Cuma si elle a 10 adhérents ou moins et 4 adhérents si elle a plus de 10 adhérents. Il n’y a pas d’obligation à suivre la même formation pour tous les adhérents. Après un autodiagnostic, la Cuma pourra faire sa demande de subvention.