rises conjoncturelles et structurelles s’entremêlant, l’investissement dans les vignes françaises semble comporter bien des risques pour les actionnaires. Pourtant, « c’est aujourd’hui qu’il faut investir dans le vignoble et accompagner les entrepreneurs du vignoble » assure Théophile Pasquier, chargé d'affaires private equity pour Calao Finances, qui pilote le fonds régional à impact Vitirev Terradev, qui boucle une deuxième levée de fonds* pour atteindre 50 millions d’euros de capacité d’investissement dans les entreprises viticoles en transition agroécologique. « Ceux qui investissent maintenant sont les plus à même de repartir quand la conjoncture sera favorable. C’est le bon moment pour accompagner, développer et sortir des terrains battus » poursuit Théophile Pasquier qui voit « de vrais leviers de développement sur le secteur » avec la conviction que l’avenir sourira aux audacieux : « un message difficile à entendre dans le contexte actuel » reconnaît le financier.
Ayant étudié 400 domaines viticoles de Nouvelle-Aquitaine, le fonds VitiREV Terradev trouve des modèles d’avenir couplant performances économiques et agroécologiques. Il a ainsi investi 1,5 million € cet été dans les cépages du Sud-Ouest du négociant Lionel Osmin. Il annonce lever 700 000 € cette fin d’année pour rentrer au capital des cognacs bio Jean-Luc Pasquet (Chez Ferchauds, Charente). Alors que les taxes chinoises accentuent les craintes de nouvelle crise du Cognac, l’investissement peut paraître à éviter d’emblée, étant à contre-courant de la tendance charentaise au repli. C’est surtout la maison Pasquet qui fait figure d’OVNI par rapport au modèle charentais : ce domaine étant en bio (qui ne représente que 2 % du vignoble de Cognac), avec une vente à 100 % en bouteille dont 35 % en France (sans contrat avec les maisons concentrées sur le grand export) et une spécialisation sur les vieilles eaux-de-vie (pour le cognac, mais aussi le Pineau des Charentes). Mais « le premier argument pour accompagner ce projet, c’est le profil de ses dirigeants » note Théophile Pasquier.


Domaine familial repris en 2011 par Jean Pasquet, la propriété est passée de 7 hectares de vignes vieillissantes en bio (depuis 1998) à un doublement et un rajeunissement du vignoble (9 ha en Grande Champagne et 6 ha en Petite Champagne), s’accompagnant d’investissements dans la commercialisation depuis l’arrivée en 2017d’Amy Pasquet, l’épouse de Jean Pasquet. Avec son modèle atypique, « sur les dernières années euphoriques pour Cognac, on a peut-être moins gagné d’argent que les viticulteurs vendant en vrac aux grandes maisons. Mais notre idée est de rester sur un vignoble de taille très modeste, suffisant pour approvisionner nos marchés. Notre stratégie de ne pas agrandir notre vignoble au-delà de ce que l’on sait faire ou vendre nous permet de rester les pieds légers » indique Jean Pasquet, qui chérit son « indépendance, qui ne tient qu’à nous » (restant l’actionnaire majoritaire) et voit dans le soutien du fonds Vitirev un élément rassurant (des batteries d’audits et de contrôles ayant eu lieu pour valider le dossier).
Pour se préparer aux défis d’avenir, « on arrive à un point où l’on ressent le besoin d’être accompagnés pour notre deuxième phase de développement » note Jean Pasquet, évoquant des besoins de rénovation des chais de vinification (cuves inox thermorégulées, cuves de stockage pour mise et assemblage) et de mise aux normes des traitements d’effluents (vinification et distillation). Des évolutions nécessaires pour rester dans le match. « Je suis le dernier viticulteur de mon village » pointe Jean Pasquet, qui « préfère rester un petit voilier qui peut changer de cap plutôt que d’être un gros paquebot qui a de l’inertie pour manœuvrer ». Une capacité d’adaptation inscrite dans l’ADN de la propriété, « la marque Jean-Luc Pasquet est née en 1977 pendant la crise 1970. Jean-Luc Pasquet ne voulait pas brader ses vieilles eaux-de-vie. L’idée de vendre en bouteille est venue de lui » souligne Amy Pasquet.
400 000 à 2 millions €
Pour Vitirev Terradev, « notre enjeu, c’est d’accompagner la prochaine étape : la modernisation et l’augmentation de l’outil de production existant » prévoit Théophile Pasquier, qui note la valeur ajoutée du fonds régional : « on devient associés minoritaires et on ouvre des synergies avec les autres programmes Vitirev ». Dans le cas des cognacs Pasquet, il aura fallu finaliser la transmission intergénérationnelle, réaliser un audit environnemental… Pour les candidats intéressés, le fonds Vitirev peut intervenir de 400 000 à 2 millions €.
* : « Auprès d’investisseurs institutionnels, publics et privés » précise un communiqué. La première levée de fonds de novembre 2022 avait atteint 20 millions € avec le concours « de la Région Nouvelle-Aquitaine, de la Banque des Territoires pour le compte de l’Etat, du Crédit Mutuel Arkéa dont le Crédit Mutuel du Sud-Ouest est une fédération, de la Caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charentes, de la Banque Populaire Aquitaine-Centre-Atlantique, d’entrepreneurs et de family offices ».