hristophe Gaviglio, ingénieur à l’IFV et spécialiste en agroéquipement et viticulture de précision, a fait ses calculs. Et ils ne sont pas favorables aux robots, du moins si l’on s’en tient au coût de production. « Pour l’instant, les robots font principalement du travail du sol, explique-t-il. Avec les tracteurs, on estime entre 400 et 600 €/ha/an le coût du désherbage mécanique pour une quarantaine d’hectares en vignes larges. Dans les mêmes conditions, le désherbage chimique coûte, lui, près de 150 €/ha/an. Alors qu’avec un robot enjambeur vendu 200 000 € et amorti sur cinq ans on se situe autour de 1 000 €/ha/an. »
Alors pourquoi investir dans ces machines, plus coûteuse que les solutions classiques, du moins sur le papier ? « Le choix d’un robot n’est pas seulement économique : à l’utilisation, il y a les cobénéfices liés au robot », explique l’expert. Ces bénéfices indirectes comprennent ainsi la réduction des herbicides, de la pénibilité et du tassement des sols, mais aussi une organisation du travail optimisée. Autant d’apports difficiles à chiffrer, mais qui comptent beaucoup dans les décisions d’achat.
Au Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande, à Pauillac (33), ce sont deux robot Bakus de Vitibot qui tournent dans les parcelles. Le premier a été acquis en 2021 et le second en 2023. « Nous n’avons pas acheté le premier robot par esprit de rentabilité, mais par intérêt pour la technologie. Il est vrai que le robot ne travaille qu’un seul rang à la fois quand on en travaille deux avec un enjambeur », raconte François Taris-Loiry, directeur vignobles du château.
Puis il nuance : « J'ignore si c’est plus ou moins rentable que l’enjambeur, mais avec le robot nous sommes plus précis dans la trajectoire et le réglage des outils. Le robot est également plus léger qu’un enjambeur : on le remet plus vite dans les vignes après une pluie, et ce sans creuser d’ornières. Lorsqu’il pleut beaucoup, comme cette année, cela permet d’entamer l’entretien bien plus tôt. »
Depuis qu’il a acquis son deuxième engin, le château réfléchit au moyen de faire tourner les deux robots dans la même parcelle sous la supervision d’un seul ouvrier pour réduire les coûts.
À Brissac-Loire-Aubance (49), un robot enjambeur Bakus est arrivé en décembre 2021 au domaine Sainte-Anne. La famille Brault a investi 205 000 € dans cet équipement, en comptant sa plateforme de transport et ses outils. Elle a bénéficié de 18 000 € d’aides du PCAE et du Feader. « Même sans aides, nous aurions investi, explique Florian Brault. Nous voulions réduire les herbicides et nous préparer à leur éventuelle interdiction. Nous avons donc étudié toutes les solutions de désherbage pour nos 56 ha et avons eu le coup de foudre pour ce robot. Pour travailler nos sols, il aurait fallu un salarié et un tracteur supplémentaires. L’avantage avec le robot, c’est que notre salarié peut le suivre en tracteur, tout en effectuant une autre tâche comme la tonte. »
Florian Brault ajoute qu’en cas de panne, il n'y perd pas : « Le service après-vente est très réactif. Les pannes peuvent être gérées à distance grâce aux données transmises par le robot. »
À Saint-Georges-sur-Cher, au domaine Les Pierres d’Aurèle – 40 ha labélisés Terra Vitis –, Pierre-André Frot et son épouse cherchaient une solution d’entretien du cavaillon économe en énergie fossile lorsqu’ils ont décidé de convertir 25 ha en bio. « Pour nous, cela n'avait aucun intérêt d'échanger 1 litre de glyphosate contre 30 l de fuel… », explique le viticulteur. Très vite, le couple est convaincu par la robotique. Leur choix se porte alors vers le Bakus L.
En 2022, ils investissent 180 000 €, robot et outils de binage compris. Son épouse étant nouvellement installée, ils bénéficient des aides Jeunes Agriculteurs en plus de celles liées à la conversion en bio. De quoi financer 50 % de l’investissement.
Pierre André Frot admet : « Nous n’avons pas fait d’économies, avec cet achat, même avec les aides car nous avons changé nos itinéraires techniques lors du passage en bio, augmenté la qualité de nos productions et enclenché une montée en gamme. Ce n’est pas l’économie que l’on visait. Notre réflexion de départ c’était : c’est quoi notre exploitation demain ? »
Parmi les cobénéficies du robot, le viticulteur cite son effet d’attraction dans un contexte de recrutement compliqué. « Travailler avec une technologie de pointe et un confort inégalé, ça donne envie ! », indique-t-il. Pierre-André Frot trouve également des avantages très pratiques à son nouvel ouvrier : « On est en permanence à côté des outils ; c’est bien plus simple de les régler. » Lui aussi souligne la précision du travail effectué « et tout cela sans bruit ! ».