rrivé fin décembre 2021, c’est un employé atypique qui arpente 33 des 57 ha du domaine situé à Brissac-Loire-Aubance. Sans cabine ni chauffeur, le robot Bakus parcourt inlassablement les vignes pour travailler le cavaillon. Si l’investissement satisfait les deux frères à la tête du domaine, Florian et Boris Brault, il a fallu de l’accompagnement et du temps pour l’apprivoiser, d’autant plus qu’il est venu pour mettre en route un tout nouvel itinéraire technique. Focus sur une année de passage au travail du sol avec Bakus.
C’est face aux restrictions d’usage des herbicides que les deux vignerons décident de passer au désherbage mécanique des rangs. Pari osé puisqu’ils les désherbaient chimiquement jusque-là. Les deux frères ont d’abord pensé s’équiper avec un tracteur et des outils mais ils devaient investir 125 000 €. « De plus nous aurions dû embaucher un tractoriste supplémentaire alors que l’on peine à en trouver », explique Florian Brault qui supervise le travail dans les vignes. Tous calculs faits, les frères prennent le parti de s’équiper avec le Bakus L pour vignes semi-larges. Ils investissent 200 000 € dans ce robot conçu par Vitibot, une panoplie d’outils de travail du sol et le plateau de transport.
Petit inconvénient : les viticulteurs n’avaient pas d’expérience du travail du sol. « On est partis de zéro. En plus du robot, nous devions apprendre le travail du sol », confesse Florian Brault. Pour ces deux apprentissages, lui et son chef de culture ont bénéficié de l’accompagnement par les techniciens de Modema, leur concessionnaire.
« Pendant la première année on est venus pendant une matinée chaque fois qu’ils ont utilisé un nouvel outil. On s’est d’abord attardé sur les fonctions du robot, puis sur l’utilisation, le montage et le démontage des outils. Maintenant, ils prennent leur indépendance », raconte Jérémy Loizeau technico-commercial chez Modema.
Un programme type reposant sur de légers buttages/débuttages voit le jour pour les 33 hectares accessibles au désherbage avec Bakus. L’itinéraire précis se monte au fil des mois en fonction des objectifs des viticulteurs et des conseils du concessionnaire et de la société Vitibot. « On a fait le choix d’inverser un peu les habitudes en ne buttant pas en hiver parce qu’on ne rencontre plus d’hivers très froids. On préfère butter au printemps et on le fait légèrement pour éviter aux saisonniers de marcher sur des mottes et de se tordre les chevilles ».
Après un premier passage au Valmatic (disque crénelé concave orientable et inclinable) en décembre 2021 pour casser le cavaillon encore vierge de toute manipulation, vient la décavaillonneuse fin janvier puis les triples disques crénelés fixes afin de casser les mottes. Fin mars 2022, le robot, équipé de disques émotteurs et de doigts de binage aplati et affine le résultat et permet aux équipes d’ébourgeonnages de travailler sur un sol stable. Il passera ensuite trois autres fois en avril, juin et juillet avec la combinaison rasette, interceps à lame électriques et doigts bineurs. Puis en novembre, avec la décavaillonneuse pour dégager la terre du cavaillon et des adventices s’y trouvant.
Cette année, pour limiter les passages, ce n’est pas avant avril que Bakus a fait sa rentrée : chaussé de ses trois disques crénelés fixes à l’avant et des Valmatic montés à l’arrière, il parcourt les rangs pour redéfinir le cavaillon et le butter légèrement.
Si Bakus est autonome, un agent doit quand même le surveiller à moins de 250 mètres. C’est Jérôme Boittin, le chef de culture qui s’en charge. Le matin, après un graissage, une vérification du matériel et une réinitialisation du robot depuis son portable, il le fait monter sur le plateau tiré par un tracteur Fiat puis l’amène dans les vignes.
« Une fois au bout du rang, je sélectionne l’outil que j’utilise sur l’application Vitibot sur un portable. Ici, j’ai mis outil mécanique à disque. Je choisis dans quel sens je veux le faire tourner et ensuite je le lance. On peut régler la vitesse (ici 6 km/h). Si on veut le décaler par rapport à la ligne qu’il suit lorsqu’il travaille, on utilise des flèches sur l’écran. On peut aller jusqu’à 12 cm », explique-t-il. Et d’ajouter « La première fois qu’on l’a mis en marche, on a mis 10 jours pour passer tout le vignoble. J’ai perdu 5 kg en suivant le robot ! J’avais la forme ! ».
Pour éviter de longues randonnées quotidiennes et pour optimiser les passages, le domaine a trouvé une solution simple et efficace : Jérôme Boittin effectue un autre travail au tracteur derrière Bakus. « Pour l’instant j’ai broyé, ça fait du bon travail puisque je broie à 6 km/h, raconte-t-il. Je n’ai aucun problème à le surveiller en parallèle. Prochainement, on va essayer avec la palisseuse. Nous pensons aussi au rognage et au traitement puisqu’on traite à 5,5 km/h ! »
Les viticulteurs très satisfaits par la qualité et la vitesse de travail du robot, ont rencontré quelques obstacles : « Dans nos vieilles vignes on a beaucoup de souches tordues. Ce n’est même pas la peine de penser y passer avec le robot. » Mais à chaque problème sa solution : les viticulteurs vont arracher et replanter en priorité ces parcelles problématiques.
« Nous avons connu deux autres soucis : nous épointions à 2,30 m mais la hauteur sous poutre du Bakus est de 2,20 m. Nous épointons désormais à 2,10 m, 2,20 m. Autre anecdote : dans les plantations nous mettions des tuteurs PVC sans les fixer au fil de palissage. Lorsqu’on a passé le robot, on a vu les plants sauter un par un ! Nous avons donc remplacé les tuteurs PVC par des tuteurs en fibre maintenus par des agrafes au fil porteur. Nous avons aussi mis un tuteur auprès des souches tordues pour que le palpeur s’efface à temps. On a mis deux ou trois jours pour cette opération. Concernant cette anecdote, on aurait pu poser ces tuteurs avant la casse, mais on s’est fait avoir comme des bleus ! C’est en faisant des erreurs qu’on apprend. » conclut avec une pointe d’humour Florian Brault.
Afin de pouvoir ameublir considérablement leur sol sous le cavaillon, casser les racines de surface et éviter de créer un lit de semence, de nombreux passages ont été nécessaires la première année. Aujourd’hui pour Florian Brault les choses sont différentes : « L‘organisation à laquelle on pense désormais est la suivante : après les vendanges on décavaillonne puis on laisse le rang tranquille jusqu’avril pour un buttage avec la combinaison disques crénelés et Valmatic. On entretiendra ensuite avec un à deux passages avec les rasettes + l’intercep + les Valmatic. Nous verrons s’il faut aussi émotter dans la saison. »