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Quand une friche redevient un vignoble, avec l'arbre et la manière
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Sans perdre l’esprit forestier
Quand une friche redevient un vignoble, avec l'arbre et la manière

Virant bucherons, un couple de vignerons se démène pour que sa parcelle de cru du Muscadet ne soit pas engloutie par les parcelles abandonnées dans le Nantais. Une lutte pied à pied, tout en préservant l’essence devenue forestière de ce lieu.
Par Alexandre Abellan Le 05 novembre 2024
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Quand une friche redevient un vignoble, avec l'arbre et la manière
« L’intérêt du Muscadet, c’est qu’il a déjà une histoire. Il n’y a pas tout à écrire, il faut juste mettre en ordre » explique Vincent Barbier. - crédit photo : Alexandre Abellan
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n terroir forestier et un travail de titan. Se taillant des parcelles pour la vigne dans une friche devenue moins viticole qu’arboricole (les ronces se disputant aux bouleaux), les néovignerons nantais Vincent Barbier et Cécile Perraud viennent d’abattre un travail peu banal ce millésime 2024 : retirer les fils et poteaux survivants, passer au broyeur forestier puis au décompacteur permettant l’implantation de vignes en 2025, tout en conservant des arbres, des chemins et des bois. De quoi dénoter alors que l’agroforesterie a de plus en plus tendance à ronronner dans le vignoble, les projets mettant en place de simples haies ou quelques arbres fruitiers devenant un gimmick récurrent dans la communication de la filière. Au domaine des trois toits, on n’aime pas parler d’agroforesterie, mais on s’inscrit clairement parmi ses fervents précurseurs pour adapter le vignoble au changement climatique. Mais aussi transformer des dangers, comme la pression urbaine, en opportunités.

Sise sur la commune de Vertou, à l’entrée de la ville de Nantes, la propriété de 17 hectares de vignes en bio a pour parcelle vedette 1 hectare du cru la Haye-Fouassière qui se voit progressivement encerclée par des vignes abandonnées. Les six propriétaires avoisinant allant quitter le métier ou l’ayant abandonné depuis des années sur certaines parcelles. « Quand on a vu des friches avec des arbres, on s’est dit que c’était fichu » reconnaît Cécile Perraud, qui dans un second temps a eu une révélation avec son compagnon, Vincent Barbier : ces friches viticoles partant en parcelles arboricoles permettraient de gagner du temps sur l’implantation d’arbres avec la conservation de certains individus et la replantation de vignes.

Friche idée

Les 11 ha de parcelles sont désormais retravaillés de fond en comble pour former un vignoble d’un nouveau genre (8,5 ha doivent être plantés en 2025, dont 5 ha en AOC Muscadet). « Les friches remontaient vers nous : soit on arrêtait notre cru (le cahier des charges AOC obligeant à un certain paysage l’environnant), soit on réfléchissait » pose Vincent Barbier, qui a convaincu les autres propriétaires de valider le projet de « créer un écrin dans la zone du Muscadet Sèvre et Maine en conservant l’énergie de l’espace ». C’est-à-dire des arbres ayant poussé spontanément. « On ne pouvait pas gâcher cette chance » confirme Cécile Perraud.

Des arbres sont conservés après le nettoyage de la parcelle ce mois d'octobre.

On bucheronne

S’inscrivant dans le travail plus large de la commune de Vertou, qui a une stratégie de reconquête des friches viticoles, le projet de Vincent Barbier et Cécile Perraud veut non seulement replanter de la vigne sur une parcelle devenue forestière, mais mettre à profit les arbres qui s’y sont développés. Ce qui demande une sacrée reprise en main de parcelles formant une forêt, voire une déchetterie. « On prend le système à l’envers : on va se créer un paysage de vignes dans un secteur d’appellation devenu une friche » détaille Cécile Perraud, qui souligne la dimension paysagère du projet, où il s’agit de « sculpter la parcelle végétale en place avec un broyeur passant entre les arbres. On bucheronne. »

Également professeur de mathématiques, Vincent Barbier détaille la création géométrique d’unités de culture de 100 mètres par 50 mètres avec un paysagiste pour garder des arbres, mettre en place des lignes nord-sud de boqueteaux (groupes d’arbres) et est-ouest de bandes de prairies, ainsi que planter des vignes en échalas et en quinconces. « Les zones peu fertiles et très humides ne sont pas plantées. Nous allons créer des mares et conserver un jardin à orchidées. Il n’y a pas de raison de se créer des zones à maladies où l’on peut se planter en tracteur » tranche le vigneron. Originaire du vignoble de Cognac, Vincent Barbier est un fan de folle blanche qui va tester ce cépage sur les parcelles reconquises sur la friche, avec des vignes résistantes (villard noir et selenor sont évoqués). La production de ces nouvelles parcelles ne se limitera pas aux vins AOC, IGP et sans IG, un espace de 3 000 m² devant permettre la récolte de la pharmacopée du domaine (prêle, ortie, consoude, achillée millefeuille, osier…).

Parcelle pilote

Souhaitant développer un jour sa propre tisanerie, Vincent Barbier a également le projet de création « d’une wine academy : on croule sous les demandes de gens n’ayant pas de réseau et voulant s’installer dans le vignoble, mais n’ayant pas de chai. On voudrait créer un chai partagé pour néovignerons dans la démarche AOC » esquisse-t-il. Ouvert sur l’extérieur, le domaine des trois toits communique sur ces projets de vitiforesterie, ayant déjà une parcelle pilote de 1,7 hectare servant de « preuve de concept » comme le pose Cécile Perraud. Ayant semé un couvert végétal puis planté 100 arbres en 2019 avant d’implanter des vignes en 2021 sur une parcelle « en friche depuis 7 à 8 ans », les vignerons ont opté pour des vignes entre rangs d’arbres (alternance entre un rang d’arbres, neuf rangs d’un cépage, neuf rangs d’un autre cépage et un rang d’arbres).

Le premier essai d'agroforesterie est mis à profit pour tenter la pédagogie.

Ayant planté des essences variées (tilleul, orme, merisier, pommier et poirier), les deux vignerons n’ont pas de visées commerciales ou rentables, mais un objectif de production de bois (avec une conduite en trogne et un broyat des branches). « Notre focus, c’est la vigne » résume Cécile Perraud, l’illustrant pas une densité à 6 500 pieds par hectare pour pouvoir utiliser le même matériel que dans les autres parcelles. Une logique économique qui a appris de ces premiers essais de plantiers : les essais de travail à la main/à la binette pour entretenir le sol les deux premières années sur la parcelle pilote ne seront pas reconduits sur le futur vignoble forestier.

On pense que l’on s’oriente vers le bon chemin, mais on n’a pas la science infuse

Suivant une logique économique, les deux vignerons ont chiffré tous les travaux sur leur parcelle pilote, permettant de chiffrer le coût des premières cuvées produites en 2023. De quoi « permettre la valorisation du travail en l’isolant » relève Cécile Perraud, qui rapporte un « coût de production pas délirant. Il y a juste les coûts d’implantation de la parcelle, l’installation coûtant plus 35 000 €/ha que 15 000 €/ha en comptant la main d’œuvre ». Alors que le millésime 2024 enregistre une très petite production (filage et mildiou obligent), la vigneronne pointe qu’avec le changement climatique « il va être de plus en plus dur de produire. On pense que l’on s’oriente vers le bon chemin, mais on n’a pas la science infuse. On espère des résultats. » Sur ses premiers millésimes, la parcelle pilote présente des températures « nettement plus faibles grâce aux arbres », un développement chiffré de la biodiversité, une structuration du sol avec un enracinement plus profond et des parcelle mieux drainées… Concernant les ravageurs, « les prairies naturelles semblent empêcher la propagation des cicadelles, comme un coupe-feu » indique Cécile Perraud. Qui n’aime pas le terme d’agroforesterie : « avec 100 arbres, ce n’est pas une forêt… » Mais c’est déjà une approche agroécologique.

 

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