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L’affaire MeToo du vin ne s’arrête pas à la condamnation à 33 000 € pour diffamation
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Cassation à l’étude et plainte au pénal
L’affaire MeToo du vin ne s’arrête pas à la condamnation à 33 000 € pour diffamation

La cour d’appel de Bourges confirme dans son jugement que la vigneronne féministe Isabelle Perraud a commis une faute en relayant sans précaution des accusations de violences sexuelles ciblant le vigneron nature Sébastien Riffault au Danemark. Un pourvoi en cassation est évoqué, alors qu’une plainte au pénal a été déposée en parallèle.
Par Alexandre Abellan Le 06 septembre 2024
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L’affaire MeToo du vin ne s’arrête pas à la condamnation à 33 000 € pour diffamation
Les deux jugements de Bourges ne mettent pas un point final à l'affaire baptisée le MeToo du vin. - crédit photo : Adobe Stock (Björn Wylezich)
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e jeudi 22 août, la cour d’appel de Bourges condamne à 33 000 euros (« 25 000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique » plus 8 000 € de frais de justice) la vigneronne du Beaujolais Isabelle Perraud, présidente de l’association féministe Paye Ton Pinard, pour diffamation du vigneron de Sancerre Sébastien Riffault, figure du vin naturel, qui demandait 260 000 € de réparation de préjudices matériels* après la republication en juin 2022 d'accusations de violences sexuelles au Danemark sur Instagram. La cour d’appel confirme le jugement du 2 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Bourges, qui avait retenu la diffamation et condamné Isabelle Perraud à verser 27 421 € de dommage et intérêts (24 421 € de préjudice économique et 3 000 de frais de justice) et refusé la publication d'un communiqué judiciaire sur le compte Instagram d'Isabelle Perraud (comme « les publications litigieuses ont été retirées du compte Instagram @paye-tonpinard » et que « cette publication ne serait pas opportune eu égard à la forte médiatisation du procès » indique le jugement).

Propos péremptoires et base factuelle

Le jugement d'appel confirme notamment « le caractère péremptoire des propos tenus » par Isabelle Perraud, alors que « la Cour de cassation juge que la nécessité de faire respecter le principe de la présomption d'innocence requiert une exigence particulière de prudence dans l'expression ». Pour la cour d'appel, le compte Paye Ton Pinard, dans ses publications incriminées des 16 mai, 14 juin et 15 juin 2022, « affirme sans nuances » que Sébastien Riffault « "a harcelé, agressé et violé plusieurs femmes" et le qualifie d'"agresseur" » et ajoute qu'avec la phrase « "on met en avant la présomption d'innocence. Jamais celle de la culpabilité", Isabelle Perraud ne rappelle pas le principe de la présomption d'innocence, mais ironise sur son application » pour la cour d'appel. Si les propos sont jugés péremptoires, le dossier permet cependant « de considérer qu'Isabelle Perraud, qui n'est pas une professionnelle du journalisme, a procédé à suffisamment de recoupements et qu'elle disposait d'une base factuelle suffisante pour tenir les propos litigieux à l'encontre de Sébastien Riffault » nuance la juridiction, qui rapporte que la vigneronne du Beaujolais « a été en contact avec une journaliste, des lanceuses d'alerte et une personne affirmant avoir été témoin direct d'une agression sexuelle ».

Las de ces procédures

Avocat de Sébastien Riffault, maître Eugène Bangoura rapporte que son client est « très satisfait de la décision rendue par la justice, laquelle condamne à nouveau le caractère diffamatoire des propos de madame Perraud ». L’ancien bâtonnier ajoute que Sébastien Riffault ne veut « plus faire d’autres commentaires tant il est las de ces procédures ». Cette affaire judiciaire n’étant pas finie, loin de là. D'une part Isabelle Perraud étudie la possibilité de se porter en cassation, d'autre part elle indique qu'une plainte a été déposée au pénal par une sommelière suédoise pour agressions sexuelles contre Sébastien Riffault, avec en réaction une procédure de dénonciation calomnieuse du vigneron contre la plaignante rapporte l’association Paye Ton Pinard. La défense de Sébastien Riffault ne souhaite pas commenter.

On se lève et on se cass…ation

Comme après la première instance, Isabelle Perraud et ses soutiens rejettent cette condamnation en dénonçant un procès bâillon à rebours de la libération de la parole sur les Violences Sexistes et Sexuelles ouverte par le mouvement MeToo. « Cette condamnation est un message fort envoyé aux victimes de violences sexuelles et aux lanceurs et lanceuses d’alerte qu’ils et elles doivent se taire. Metoo est en danger » indique Isabelle Perraud, qui étudie la possibilité d’un pourvoi en cassation avec un avocat spécialisé. Sans attendre, une cagnotte a été lancée fin août par l’activiste toulousaine Sophia Antoine pour payer les frais d’avocat** d’Isabelle Perraud. A date de rédaction ce 5 septembre, 120 dons ont récolté 6 600 € (sur un objectif de 30 000 €).

« Ce sont des combats comme celui- là qui font avancer les lois, les jurisprudences, qui doivent évoluer en faveur des femmes » explique Isabelle Perraud, pointant qu’« à l'annonce de cette condamnation, le monde du vin, des amateurs et amatrices s'est très rapidement manifesté en adhérant en masse à l'association. Le mouvement féministe aussi a tenu à manifester son soutien très rapidement. »

Condamnation très lourde

« Ces procédures bâillons sont faites pour nous épuiser financièrement, moralement et nerveusement et de pousser à l’autocensure. On en a l’exemple parfait dans cette procédure » avance la vigneronne bio du Beaujolais. Pour la vice-présidente du syndicat de défense des vins naturels, « cette condamnation est très lourde. Pour exemple, [la réalisatrice] Andréa Bescond a été condamnée à 2 000 € de dommages et intérêts [NDLA : pour avoir qualifié un athlète de "violeur" fin 2022] et le Metoo de la musique a été relaxé pour des publications semblables [NDLA : avec des relaxes définitives en cassation au printemps 2022]. Ça pose un problème que la justice ne soit pas cohérente***... »

Avec 500 adhérents et 10 membres actifs au quotidien, l’association Paye Ton Pinard fondée en 2020 (via un compte Instagram) « résistera tant que toutes le pourront. Quand l’une de nous va mal, car les sujets sont violents et éprouvants, c'est toutes qui la soutiennent. "On est plus fortes ensemble", telle est la devise de Paye Ton Pinard! » poursuit Isabelle Perraud. « Je sais que la plupart des femmes attendent beaucoup de Paye Ton Pinard. Nous nous devons de continuer d’avancer » expose la vigneronne, pointant que « chaque jour nous prouve que le travail à réaliser est énorme pour que les femmes soient respectées dans ce monde du vin composé essentiellement d’hommes ».

 

* : Durant la procédure de deuxième instance, le vigneron « expose que ses ventes de vin se sont effondrées à compter du mois de juin 2022 à la suite des publications diffamatoires » rapporte le jugement, Sébastien Riffault « fait valoir que les ventes non réalisées sont définitivement perdues et qu'il n'est pas certain que la clientèle revienne vers ses vins » alors que « son chiffre d'affaires était de 1 054 212 euros en 2019, 926 329 euros en 2020, 1 108 320 euros en 2021, 737 094 euros en 2022 et 331 466 euros pour les neuf premiers mois de 2023 ». Mais faute des « trois derniers mois de l'année 2023 ainsi que pour les premiers mois de 2024, de même que des indicateurs plus représentatifs, tels que le résultat net, pour l'appréciation de son préjudice économique », la juridiction estime qu'« il ne peut être exclu qu'une partie de la baisse de chiffre d'affaires soit due à des circonstances extérieures aux rumeurs ayant circulé ». La cour d'appel a retenu « une responsabilité arrêtée à 25 % des pertes subies ».

** : Ce qui n’est pas illégal d’après les textes, qui visent plutôt le paiement des condamnations. Un sujet au cœur d’un autre dossier judiciaire emblématique pour les lanceurs d’alerte, celui de l’activiste antiphyto Valérie Murat poursuivie par 26 institutions et opérateurs des vins de Bordeaux.

*** : Au-delà de son affaire, l’enjeu est plus systémique pour Isabelle Perraud : « la justice n’a jamais pris en compte la parole des femmes. Elle condamne seulement 0,6 % des agresseurs sexuels quand les femmes ont le courage d’aller déposer plainte. MeToo a permis une libération de la parole des victimes d'agressions sexuelles (femmes et enfants) mais la justice n’entend toujours pas qu’un viol a lieu toutes les 7 minutes en France. Et que dans la majorité des cas, les femmes victimes de féminicide avaient déposé plainte. »

 

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Hervé Lalau Le 20 septembre 2024 à 13:30:36
Sur le site No Wine is Innocent, une pétition avait été déposée qui avait réuni de nombreuses signatures, en 2023. La confirmation en appel de la condamnation est-elle de nature à changer l'avis des signataires?
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MG Le 10 septembre 2024 à 18:21:15
Propos liminaire : je me fous de cette affaire comme de l'an 40. Par contre, je comprends pas bien les commentaires ; Vitisphére est pour la femme du Beaujolais ou pour l'homme du Sancerrois ?
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La rédaction Le 07 septembre 2024 à 13:12:38
Bonjour M. BOTTE Comme indiqué dans l'article, l'avocat de M. RIFFAULT n'a pas souhaité plus commenter l'affaire, qu'il s'agisse du dispositif de jugement ou du pourvoi en cassation à l'étude. Si vous avez des éléments juridiques sur l'impossibilité d'un tel pourvoi, n'hésitez pas à le partager. En l'état, l'article publié reprend objectivement le jugement et les arguments des deux parties. Bonne journée
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Jean-Charles Botte Le 07 septembre 2024 à 12:41:39
Une rumeur de plus....Isabelle ne peut pas aller en cassation selon l'avocat de Riffault. C'est terminè. Vitisphere devrait s'informer si un pouvoir en Cassation est possible avant de publier ceci. Ce n 'est plus du journalisme....mais du militantisme.. Je conseille á Vitisphere et à sa journaliste de lire les echos : Le vertige MeToo Cet article est écrit par Tristane Banon, qui a porté plainte contre DSK. "Dans son nouveau livre qui paraît jeudi, Le vertige MeToo, Caroline Fourest donne la clé. Sa lecture permet de comprendre cette révolte qui vient de loin, et ce présent qui déraille. Tout en chuchotant au lecteur de ne pas fantasmer le monde d'avant, peu recommandable, elle lui suggère de s'éduquer au discernement, lequel interdit les amalgames, refuse l'effacement, et envisage chaque affaire au cas par cas. Parfois, les événements s'entrechoquent. Puisse ce livre, féministe et honnête, faire entendre raison à MeToo? Sans quoi cette révolution magnifique ne pourra plus se regarder en face."
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Dominique Le 07 septembre 2024 à 11:19:09
On est dans un état de droit, c'est vrai, c'est heureux et ça doit servir normalement à préserver la présomption d'innocence, le fameux habeas corpus. Ceci dit, les procédures judiciaires peuvent être utilisées et détournées pour que la justice ne puisse pas être véritablement rendue. Tant que des faits ne sont pas documentés, prouvés avec des pièces indiscutables et une décision de justice définitive en bonne et due forme, une plainte en diffamation est certaine d'aboutir positivement. Si la plaignante porte plainte, elle devra aller en première instance, en appel puis en cassation, voire devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Autant dire qu'il vaut mieux qu'elle ait le temps et beaucoup beaucoup d'argent. Ceux qui ont de l'argent le savent. Si Sébastien Riffault était certain de son innocence, il pourrait parfaitement demander la suspension de l'exécution du jugement en attendant que la plainte au pénal déposée SUR LE FOND cette fois-ci par une sommelière suédoise, aboutisse. Ca serait l'attitude normale d'un gentleman "classe" qui veut laver un honneur injustement remis en cause. Par contre, refuser de s'exprimer sur cette affaire et de renvoyer à son avocat, ce n'est pas "classe".
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J-C Le 07 septembre 2024 à 08:58:48
On est toujours puni par là où l'on pêche...
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Samuel Troen Le 06 septembre 2024 à 17:25:25
Ca devient vraiment pathétique toute cette Kabale organisée par les concurrents vignerons de M. Riffault...
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Samantha Gillet Le 06 septembre 2024 à 10:01:43
Nous vivons en état de droit. Justice est rendue devant les tribunaux. Tellement dur de reconnaitre que l'on a tort, même quand la justice ne va pas dans le sens de la vindicte populaire des réseaux sociaux et du tribunal médiatique. Toutes ces fausses accusations, font un mal fou aux réels victimes de vss.
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La rédaction Le 06 septembre 2024 à 09:45:23
Bonjour Mme JOFRAY, Merci pour votre commentaire : l'article en question reprend factuellement le jugement et les positions des deux parties dans le respect du contradictoire et de la déontologie journalistique. Ce qui n'est pas la définition d'un publireportage, payé par un annonceur. La ligne éditoriale de Vitisphere reste bien l’information de la filière vin. Bonne journée
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Mélanie Jofray Le 06 septembre 2024 à 09:42:20
Etonnant cette ligne éditoriale qui cherche à tout pris de faire passer Mme Perraud pour une blanche colombe, malgré deux condamnations en justice. La diffamation est un délit, il me semble. Votre article ressemble plutôt à un publi-communiqué.
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