igneronne féministe du Beaujolais contre vigneron réputé de Sancerre. Rendant son jugement ce vendredi 2 juin, le tribunal judiciaire de Bourges pose que « les publications au sujet de Sébastien Riffault mises en ligne par Isabelle Perraud sur son compte instagram @paye-tonpinard les 16 mai, 14 et 15 juin 2022 sont constitutives d’une diffamation », en ayant relayé, sans suffisamment de pincettes et de conditionnel, des accusations de violences sexuelles à l’encontre de Sébastien Riffault, mis en cause depuis janvier 2022 au Danemark. C'est l’été 2022 que le vigneron sancerrois Sébastien Riffault a porté plainte contre la vigneronne du Beaujolais Isabelle Perraud, présidente de l’association Paie Ton Pinard et animatrice du compte Instagram du même nom.
Après une audience chargée en tensions ce 6 avril, Isabelle Perraud est condamnée à verser 29 000 € de dommage et intérêts (1 500 € pour le préjudice moral, 24 421€ pour le préjudice économique* et 3 000€ pour les frais d’huissier engagés). Dans le détail, le tribunal a notamment considéré que « le caractère péremptoire des propos utilisés, sans la mesure attendue au regard de la sensibilité du sujet, mais surtout, sans prendre la précaution élémentaire de rappeler le principe cardinal de présomption d’innocence du droit français, malgré leur gravité certaine, puisqu’ils consistent à désigner, sans autre forme de procès, Monsieur Riffault, comme un agresseur sexuel récidiviste, apparaît constitutif d’une imprudence fautive caractérisée aggravée par le média choisi qui en facilite la diffusion. » Pour le tribunal, il s’agit donc bien de diffamation.


Le jugement établit toutefois que la vigneronne s’est appuyée sur des informations « parfois fragiles » mais « concordantes ». Il établit aussi qu’elle « n’a pas fait preuve d’animosité personnelle et qu’elle a bien agi dans un but d’intérêt général en ce sens que le thème de son message intéresse, depuis plusieurs années et l’émergence du mouvement “ me too “ ayant pour objectif de libérer la parole des femmes victimes de faits de nature sexuelle, particulièrement le public. »
Sans surprise, l’avocat de Sébastien Riffault, maître Eugène Bangoura, a rapporté que son client était « très satisfait » de ce jugement. « Mme Perraud se jugeait dans son bon droit pour accuser mon client d’agression sexuelle, la Justice lui a répondu qu’elle le diffamait. C’est dramatique pour la cause qu’elle défend. Elle a mené une croisade tyrannique qui la dessert et qui dessert tout le monde. » Interrogé sur d’éventuelles nouvelles procédures menées par Sébastien Riffault, à l’encontre d’autres publications, l’avocat « n’exclue rien. On réfléchit à une suite. » À ce jour et à notre connaissance, aucune plainte n’a été déposée contre Sébastien Riffault, ni au Danemark, ni en France.
De son côté, Isabelle Perraud s’est montrée « dépitée » par le jugement, selon son avocat maître Thibault de Saulce-Latour. « Même s’il est clairement reconnu qu’il n’y avait aucune animosité personnelle et qu’elle a œuvré dans l’intérêt général », souligne l’avocat, « le Tribunal a botté en touche en rejetant la preuve du fait diffamatoire » (la démonstration que les accusations portées seraient vraies), car les éléments relèvent de la vie privée et ne sont donc pas recevables. Thibault de Saulce-Latour se dit aussi « surpris » par le montant « excessif » des dommages et intérêts. Isabelle Perraud à un mois pour décider de faire appel.
* : Concernant le calcul des dommages et intérêts, Sébastien Riffault faisant état d’une perte de son chiffre d’affaires, le tribunal a considéré qu’Isabelle Perraud « ne [pouvait] pas être tenue seule responsable de cette infortune ». Le tribunal a évalué la responsabilité de la vigneronne à 20 % de la perte.