n mal pour un bien ? Après un millésime éprouvé par le mildiou, les rendements de vins bordelais s’annoncent particulièrement réduits, avec une production 2024 qui pourrait être inférieure à la petite récolte 2023, avec la réduction actuelle du potentiel de production (l'arrachage pourrait atteindre 20 000 hectares). De quoi nourrir l’espoir d’une revalorisation des cours du vin en vrac attendue après des campagnes à bas prix. « Même si les cours se raffermissent un tout petit peu, le mal est déjà fait avec les augmentations des charges, les petites récoltes et les petits prix d’achat. Ce sont les dernières gouttes de poison pour ceux qui sont bien malades » réagit Jean-Samuel Eynard, le président de la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles de Gironde (FDSEA 33). Pour le vigneron des Côtes de Bourg, « même si les cours montent, ils ne compenseront pas les pertes de récolte. Et je n’imagine pas Bordeaux s’emballer et monter à 1 500 euros le tonneau dans deux mois. Ou sinon il y aura d’autres problèmes de pertes des parts de marché du négoce. »
En somme, l’augmentation imaginable des cours du vin en vrac ne sera jamais suffisante pour réparer la fragilité économique qui s’est accentuée dans le vignoble de Gironde. « Ça ne sera jamais assez. On va encore faire une campagne à perte » prédit Jean-Samuel Eynard, pointant que « même les appellations et étiquettes qui étaient au-dessus de ce genre de problématiques se font rattraper par la patrouille. Ce n’est pas encourageant. » Après les Bordeaux génériques de l’Entre-deux-Mers, les Côtes et le Médoc, on parle désormais de difficultés croissantes dans le vignoble de Saint-Émilion, où l’endettement pour l’achat du foncier ajoute d’autres déséquilibres économiques.
Pour l’AOC Bordeaux, qui prévoit d’améliorer encore son ratio stock/commercialisation (avec petite vendange, arrachage et distillation), le président de la FDSEA 33 n’est pas convaincu par l’effet rapide sur les cours : « le ratio était déjà plus équilibré février, mais la volonté [interprofessionnelle] d’atteindre 1 000 € minimum n’a pas été suivie d’effet. Et même si l’AOC Bordeaux assainit ses stocks, il y a à côte les appellations Médoc et Côtes qui sont en excédent. Une bouteille de Médoc à 3 € peut prendre un marché de Côtes, une Côtes à moins de 2 € peut se positionner sur du Bordeaux. » En cette période de lancement des vendanges, les signaux ne sont pas positifs pour l’avenir. « Les courtiers qui tournent dans le vignoble veulent faire main basse sur les derniers lots bradés pour faire rentrer la récolte ou dégager de la trésorerie. Le côté filière n’existe plus. Mais on entend que des négociants sont aussi mal que leurs viticulteurs fournisseurs » rapporte Jean-Samuel Eynard.