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Un redressement judiciaire pour valider l’arrachage et la premiumisation des vins
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Cahors
Un redressement judiciaire pour valider l’arrachage et la premiumisation des vins

Placé en redressement judiciaire à sa demande, le négoce historique Georges Vigouroux fait le point sur l’engrenage l'ayant amené à ces difficultés et validant sa stratégie de relance par la montée en gamme. Entretien avec un PDG déterminé, Bertrand Gabriel Vigouroux, constatant une surproduction cadurcienne systémique et le besoin de concentration du vignoble sur les parcelles rentables.
Par Alexandre Abellan Le 01 août 2024
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Un redressement judiciaire pour valider l’arrachage et la premiumisation des vins
Dans un « moment difficile » comme « la maison en a déjà traversé », Bertrand Gabriel Vigouroux se dit « engagé » : « on va se battre pour maintenir les équilibres ». - crédit photo : Maison G. Vigouroux
C

e 26 juillet, le tribunal de commerce de Cahors place plusieurs de vos sociétés en redressement judiciaire. Quelles sont les structures concernées ? Que s’est-il passé ?

Bertrand Gabriel Vigouroux : Il s’agit de tous les pôles viticoles et commerciaux qui sont liés. L’origine du problème est relativement simple : depuis 2019, Cahors subit les aléas climatiques de manière assez forte et régulière. La maison Vigouroux n’a pas échappé à ce tumulte. Nous avons perdu l’équivalent de deux récoltes en 5 ans. Nous avons perdu 14 000 hectolitres sur une production annuelle de 7 000 hl. Soit plus de 2 millions de bouteilles, qui ont disparu avec les aléas climatiques.

Nous avons tout pris : le gel, le mildiou, la grêle et la sécheresse. 2024 est aussi un millésime compliqué. Nos deux vignobles du château Mercuès et du château Leret Monpezat ont été fortement touchés par le gel, on y estime la récolte à 10 hl/ha. C’est très sévère après des rendements à 10-15 hl/ha en 2023. Nous avons tenu le choc contre le mildiou.

Dans ce moment difficile, nous nous sommes battus pour trouver des solutions financières. La famille a fourni des efforts, les banquiers aussi, mais on s’est retrouvés asséchés et désarmés pour affronter la crise que traverse en ce moment la viticulture. Nous manquons de ressources financières à un moment où l’on ne peut pas se le permettre. En accord avec nos financiers, nos fournisseurs et les équipes, j’ai demandé au tribunal de commerce de placer le groupe sous sa protection. En redressement pour pouvoir aller jusqu’aux vendanges 2025. Il faut de la longueur pour aménager les solutions. On en aura, il n’y a pas de doute là-dessus, nous mettrons en œuvre un plan de redressement.

J’espère retrouver le chemin de l’activité économique et des bons équilibres financiers. C’est dans l’intérêt de tout le monde. Nous avons fait beaucoup d’efforts de premiumisation et de montée en gamme pour avoir un vignoble moderne. Ce qui a été cruel, c’est le cumul des aléas climatiques tombés sur Cahors.

Contrairement à la sauvegarde, le redressement judiciaire témoigne d’une cessation de paiement. Est-ce le cas pour vous ?

Il y a une cessation de paiement. Nous avons une trésorerie qui était objectivement très basse. C’est moi qui ai sollicité le redressement, nous avons la chance dans ce pays d’avoir des outils pour donner l’opportunité aux entreprises de se retourner et de rebondir.

 

C’est l’effet combiné de la flambée des coûts de production, de la chute des rendements et du manque d’activité commerciale qui cause ce redressement ?

Ce sont trois éléments. Le plus impactant est de loin l’aléas climatique. Notre programme cultural vise 45 hl/ha, nous sommes tombés autour de 25 hl/ha ces 5 dernières années, c’est un choc très fort. L’adversité et la perturbation du marché sur l’entrée de gamme mettent les marques en souffrance. Elles sont plus bataillées et l’inflation perturbe la consommation. Alors que la premiumisation marche très bien sur nos châteaux de Mercuès et de Haute-Serre qui sont en bonne progression. La premiumisation marche.

Mais il y a une crise mondiale qu’il ne faut pas oublier. La baisse d’activité de notre métier s’est amorcée au moment où les taux d’intérêt ont été quasiment multipliés par dix. Vers juillet 2022, les frais financiers ont monté partout dans le monde. Comme nos métiers portent des stocks, toute la chaîne a connu un choc financier : que ce soit le producteur, le négociant, le distributeur, le restaurateur… Depuis, toute la supply chain n’a pas cessé de gérer la baisse de ses inventaires. L’effet ciseau sur nos marges et nos comptes d’exploitation est important : les stocks sont remontés et les écoulements de la production ont stoppé. Dans ce contexte, les banquiers ne peuvent pas être au rendez-vous des structures qui, comme nous, ont investi dans les ressources humaines, dans la premiumisation, dans la conquête de parts de marché qui coûte cher… On était à contre-temps.

 

Se multipliant dans tout le vignoble français, les procédures collectives semblent toucher de plus en plus de structures dont les stratégies de production sont données gagnantes pour l’avenir. Est-ce que l’audace ne paie pas et fragilise même ?

L’agilité n’est pas le point fort de notre métier. On plante des vignes pour longtemps, on ne vend pas le millésime de l’année à Cahors, on est clairement dans le contre temps. Tous ceux qui font des efforts d’adaptation se fragilisent face aux mutations et peuvent se retrouver piégés par le contexte. C’est notre cas. Et c’est douloureux après tout ce que l’on a fait comme efforts.

 

Vous œuvrez depuis 35 ans à la montée en gamme et à la reconnaissance des vins de Cahors, est-ce un vrai coup dur ou une simple épreuve de parcours ?

Je considère que la vie des affaires n’est pas un long fleuve tranquille. Sinon ça se saurait. Il y a toujours eu des mutations de marché et notre maison a déjà évolué depuis sa fondation en 1887. Cahors n’est pas une AOC facile, je cois dans le travail de cuvées iconiques pour retrouver la reconnaissance de grands crus comme au XIXème siècle. Le berceau du malbec doit avoir son haut de gamme. Je reste très confiant sur ma stratégie, elle ne va pas changer demain. Sauf sur un point. La premiumisation nécessitant un minimum de surfaces, la politique engagée de réduction d’hectares va se poursuivre. Il faut des vignes qui supportent les aléas climatiques dans une réflexion agronomique et économique. Il faut oublier de faire de la viticulture sur les parcelles trop gélives. Ou être sûr d’avoir des moyens de lutte efficaces. Sur 150 hectares en propriété, 50 (soit 30 %) ont été arrachés et vont continuer de l’être. C’était le plan déjà acté pour quitter les vins d’entrée de gamme comme nous n’avons plus de besoin en vins basiques.

 

Votre redressement va donc accélérer votre réduction des volumes pour augmenter la valorisation.

On va essayer d’être résilients et de partager ce cap avec le mandataire et les équipes. Notre plan de premiumisation continue. Même en redressement, un hectare de vigne qui ne rapporte pas continue de coûter. Le point de bascule pour moi est l’inflation de 2022-2023 qui a mis certains hectares d’AOC en dehors des perspectives économiques. L’inflation a mis des vignes AOC hors marché, elles n’ont plus de rentabilité et plus d’espoir d’en avoir. Quand les rendements baissent et que tous les coûts montent, vous perdez le marché ciblé quand le prix de revient passe au dessus du prix de vente. C’est ce qui alimente l’arrachage des petits prix à Bordeaux, dans la vallée du Rhône, dans le Languedoc et à Cahors. On le voyait arriver, maintenant on va juste gérer les finances pour revenir à la normale.

 

Vous avez présidé l’Union Interprofessionnelle des Vins de Cahors, pensez-vous qu’il y ait eu des occasions et alertes manquées par la filière pour évoluer structurellement quand il était temps ?

On peut toujours refaire le passé. Et on le refait toujours mieux quand les erreurs sont passées et plus faciles à observer ! Un certain nombre d’erreurs ont été faites à Cahors et ailleurs. On a planté trop de vignes, on a saturé le marché mais on n’a pas pu créer la valeur nécessaire pour assurer les investissements dans les infrastructures, le marketing et la bataille du marché pour placer ses vins aux 4 coins du monde. Les vins français ont pris beaucoup de retard sur les marchés. Pour avoir un grand pays viticole comme la France, avec sa richesse terroirs, il faut un marché domestique fort. On le voit s’affaiblir actuellement, c’est très inquiétant.

Cahors a toujours surproduit par rapport à sa capacité de créer de la valeur. Ce qui a créé la spirale infernale de réduction des volumes. Nous sommes actuellement 3 300 ha contre 4 000 ha dans les années 1980. Et on parle maintenant de 1 000 ha à arracher. Nous avons eu trop de volumes, c’était trop lourd à porter et les négoces historiques sont partis. Cahors a perdu sa force commerciale en perdant son négoce. Je fais partie des gens qui aiment les choses équilibrées. Une AOC qui gagne est structurée sur la cave coopérative, les vignerons et les négociants metteurs en marché. Je l’ai dit quand j’étais président, ce n’est pas le négociant ni le vigneron qui fait le prix : c’est l’équilibre offre/demande. Le commerce est ainsi depuis la nuit des temps. Et cet équilibre est très difficile à gérer.

 

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Tous les commentaires (6)
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Olivier Le 02 août 2024 à 18:32:35
Premium, c'est bien mais dans une Brasserie réputée de province j'ai vu les premières bouteilles de vin au dessus de 35 euro, résultat tout le monde avait des bières sur la table. Alors avant de dire n'importe quoi, il faut regarder la réalité.
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Caspar Corbeau Le 02 août 2024 à 12:18:50
Cahors meurt. Si même les grosses machines tombent, quels investisseurs seront assez fous pour aider les vignerons et les maisons de Cahors à se relever ? C'est la fin.
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VignerondeRions Le 02 août 2024 à 08:23:35
L'equilibre offre / demande ne fait pas des prix, ça doit être bien plus complexe. Il manquait beaucoup de vin blanc (à Bordeaux, mais pas qu'à Bordeaux) et il n'y a pas eu d'envol des cours des vins comme nous avons pu le connaitre dans le passé. Les prix proposés même en forte tension restent sous les coûts de revient. C'est juste un fait, conjoncturel ou stucturel, mais un fait vérifiable. Alors placer l'espérance d'un retournement de situation dans la réduction de l'offre, et/ou la forte valorisation c'est faire fuir les consommateurs actuels vers d'autres produits que le vin, et accentuer les problèmes actuels. Nous sommes capable de faire de très bons vins, à prix consommateurs raisonnable tout en gagnant bien notre vie, c'est le partage de la valeur qu'il faut rétablir. Quand tu vois ton vin vendu 3 ? ht à un restaurant affiché 20/25? sur table, le travail n'est pas tout à fait le même par rapport à l'argent généré. Pour faire les 2, c'est beaucoup plus de boulot et d'investissement pour produire une bouteille, que pour la servir à table.
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bill et boule Le 01 août 2024 à 14:36:38
cher Renaud on aimerait vous suivre sur le terrain du debat entre prix de vente base sur un prix de revient ...et non pas prix adapté à la règle brutale de la confrontation entre offre et demande. En situation de crise ( guerre , naufrage pandemie , famine ... ) une riviere de diamants ou une supercar ne valent plus rien alors qu un visa sur un passeport, , une bouée, un vaccin ou un morceau de pain deviennent autant de trésors. La pilule est certes très dure à avaler sur cet été 2024 mais la plupart des bassins viticoles est confrontée à ce prix marché consenti par un acheteur roi .Et tant que le viticulteur continuera à être confronté à des créanciers inflexibles, ses prix ne pourront pas remonter à court terme , tant le niveau des stocks est partout élevé.
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bill et boule Le 01 août 2024 à 07:57:26
George Vigouroux à raison de dedramatiser. Il a eu le courage de déclarer sa structure en cessation de paiements et en obtenant le règlement judiciaire une première periode d observation .Mais attention , a ce stade tous les créanciers deviennent très nerveux et toutes les dépenses post cp doivent être payées rubis sur l ongle . A défaut la po est résiliée et le rj est requalifie immédiatement en lj. L heure est donc grave et il est vain voire futile de le cacher aux associés et partenaires . Les banques, la msa , le fisc sont desormais soucieux de rentrer dans leurs créances au plus tôt. Il faut refaire du chiffre d affaires alors meme que les clients deviennent méfiants tout un programme .Alors que les salariés peuvent s inquiéter tout comme les fournisseurs et les prestataires .Le regard des collègues change également, dans les réunions amicales ou professionnelles. Une rude épreuve qui requiert du courage et un environnement proche solide. Les po s enchaînent très vite et trouver un repreneur ou établir un plan de continuation requiert beaucoup d énergie et un partenariat avec l expert comptable et le cas échéant l administrateur , et l avocat spécialisé. Les honoraires explosent .Le tout pour convaincre un juge commissaire de plus en plus saturé et surtout de plus en plus sceptique quant aux lendemains qui chantent .Dedramatiser oui, banaliser non car le danger de la lj est réel .
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Renaud Le 01 août 2024 à 06:35:27
Jusqu'à la dernière ligne j'étais relativement d'accord avec MVIgouroux ?. Mais ce n'est pas que le marché qui fait le prix. Tant que l'on en sera là vous mourrez et les autres aussi en pensant qu'on ne peut rien faire. Le marché est d'autant plus ingrat que les ses acteurs ne sont pas rassurés et en le laissant faire cents la spirale infernale qui s'installera toujours. Même en cas de forte demande et de pénurie l'envolée des prix nuira à très court terme. Les marchés organisés rassurent et des acteurs rassurés achètent. La première organisation est que les porteurs de stocks deviennent les metteurs en marché. Qu'ils tiennent la disponibilité et le prix. Ce dernier non plus comme dicté par une demande présente ou pas mais par la valeur de ses coûts. Car un bien quelqu'il soit à une valeur tangible ( de la matière, du temps de travail,etc?)
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