vec la foi des convertis, la négociante Amy Pasquet prend la présidence du Comité National du Pineau des Charentes. Succédant au vigneron Philippe Guérin (représentant toujours le Pineau auprès des instances nationales*), Amy Pasquet a rejoint la filière charentaise par un concours de circonstance particulièrement atypique. Diplômée de biologie et de littérature latino-américaine, « je me suis mariée avec un Charentais rencontré en Argentine il y a 20 ans, pendant ses vinifications dans l’Hémisphère Sud. Je ne venais pas du monde du vin, mais d’une famille protestante baptiste où l’alcool c’est mal. Quand j’ai ramené un distillateur charentais à la maison, ça ne s’est pas forcément bien passé » plaisante la nouvelle présidente de l’interprofession du Pineau, pointant que dans le comté de Caroline du Nord où elle a grandi la vente d’alcool reste interdite en dehors du monopole d’État et qu’il reste interdit de boire au restaurant du vin comme de la bière.
Ambassadrice des marques de la maison Jean-Luc Pasquet (basé à Eraville, Charente), Amy Pasquet incarne le désir du Comité National du Pineau des Charentes de se développer à l’export. Alors que le Cognac expédie à l’étranger 98 % de ses volumes, la mistelle charentaise reste consommée à 80 % en France (avec 8,8 millions de cols, dont 56 % des ventes en grande distribution, localement, en région parisienne et dans le Nord, ainsi que 44 % en vente directe et en cavistes). Troisième destination à l’export (derrière la Belgique qui régresse et le Canada qui reste stable), « le marché américain est porteur d’espoir, nous allons continuer d’y investir » annonce Amy Pasquet, qui reconnaît que le risque de rétablissement des taxes américaines (liées au conflit Airbus/Boeing) reste suspendue à la possible réélection à la présidence des États-Unis de Donald Trump et à sa stratégie diplomatique : « on ne sait pas ce qu’il va faire. Il est assez étonnant comme personnage… C’est forcément une crainte. »


Autre incertitude pour le Pineau : la tournure prise par les difficultés commerciales des cognacs, suspendus aux évolutions d’une enquête antidumping en Chine, et ses conséquences pour l’autre appellation du vignoble charentais. « Pour l’instant, le Pineau va bien, mais on sait que les crises de Cognac ont tendance à nous toucher » reconnaît Amy Pasquet, qui défend les spécificités et la valeur ajoutée de la mistelle d’appellation dans un vignoble dominé par l’eau-de-vie AOP (1 700 ha de Pineau en production sur les 93 000 ha de vignobles à Cognac). Ne voulant pas être un déversoir (« nous n’avons pas à avaler les volumes non consommés par Cognac ») ni enregistrer de nouvelles diminutions de la production de Pineau (« on produisait 100 000 hl il y a 20 ans, maintenant nous sommes à l’équilibre à 65 000 hl »), la présidente de l’interprofession défend « un produit noble avec ses moûts et eaux-de-vie spécifique. Nous allons continuer à travailler nos débouchés : c’est un produit de niche, c’est une belle culture vivante localement. Nous allons continuer de travailler avec les touristes pour être liés à leurs bons souvenirs de vacances, notamment en Charente Maritime (75 % de la production). »
Les grandes maisons de Cognac étant absentes du Pineau (depuis le départ de Rémy Martin du segment à la fin des années 2010), la mistelle est plus ouverte aux petits opérateurs (le top 10 de ses opérateurs représentant 40 % des volumes). « Je suis fan d’artisanat et c’est pour ça que je m’investis dans le Pineau qui est moins concentré que le Cognac » conclut Amy Pasquet.
* : Soit la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC), le Comité National des Interprofessions de Vins à Appellation d'Origine et à Indication Géographique (CNIV) et Vin & Société.