La floraison de mes vignes se déroule généralement bien. Mais, les années humides, j’aide mes parcelles destinées à faire des pétillants ou des rosés avec du Vivaflor, un biostimulant, pour assurer le rendement, explique Jérémie Pierru, vigneron à la tête de 11 ha de vignes à Esvres-sur-Indre, en Indre-et-Loire. J’en applique 2 l/ha en deux passages, à mi-floraison et début véraison. Mais je n’en mets jamais sur pinot gris car il est sensible au botrytis. De ce fait, il vaut mieux que ses grappes ne soient pas trop fournies. D’autant plus que je le récolte tard, ce qui augmente le risque de pourriture. »
Aurélien Schlienger, lui, applique systématiquement Vivaflor. Le directeur des domaines Baudry & Dutour, plus de 200 ha de vignes en AOC Chinon, Bourgueil et Touraine, programme trois applications en encadrement de la fleur. « Nous le faisons depuis cinq ans, quand nous avons converti en bio plusieurs de nos vignes, précise-t-il. Nous appliquons ce produit sur toutes nos vignes afin de gommer les stress dus aux aléas climatiques ou aux maladies. »
Ce biostimulant qui contient du bore, de la magnésie et un filtrat d’algues réduit-il les accidents de floraison comme le promet son fabricant ? Jérémie Pierru en est persuadé. « Vivaflor assez onéreux, mais il apporte à la vigne des nutriments dont elle a besoin à un moment clé, assure-t-il. Il améliore la fécondation. Les grappes ont plus de baies. La floraison est plus homogène et les décalages de maturité sont réduits. »
Aurélien Schlienger est plus circonspect. « Il est difficile de dire s’il a un effet significatif sur le rendement, car nous l’appliquons systématiquement. Il a probablement contribué à préserver quelques hectos par ha face aux aléas climatiques. Cela vaut donc le coup de l’appliquer d’autant que nous ne faisons pas de passage spécifique ; nous l’associons à nos traitements phyto. »
Quant à Fabien Garcia, il a un tout autre avis. « J’ai testé des produits comme Antys PMg ou Vivaflor sur grenache, rapporte ce viticulteur, qui exploite 35 ha à Montbrun-des-Corbières (Aude). Je n’ai vu aucune différence entre les vignes traitées et les autres, en tout cas rien de probant. La floraison est avant tout liée aux conditions climatiques de l’année et à la mise en réserve de la vigne l’année précédente. Si on veut se donner bonne conscience, on peut appliquer un bore basique pas très coûteux, mais il ne faut pas espérer avoir 30 % de rendement en plus. »
À Orange (Vaucluse), Laurent Charvin se méfie des engrais et des biostimulants. « J’ai peur de déséquilibrer la vigne », dit-il. Ce vigneron qui cultive une trentaine d’hectares en bio a une autre stratégie pour favoriser la fleur : l’écimage en pleine floraison, afin de freiner la croissance de la vigne et redistribuer ses sucres vers les futures baies. « J’ai participé à des essais de la chambre d’agriculture du Vaucluse sur grenache en 2017 [lire l’encadré] et cette année-là cela m’avait permis d’augmenter mon rendement de 20 %. »
Depuis, Laurent Charvin écime, lors de la floraison, ses vignes qui ont souffert d’un coup de chaud ou de froid ou qui sont touchées par le court-noué lors de la floraison. Avec des résultats moins flagrants. « En 2021, le gel m’a fait perdre 40 % de ma récolte, observe-t-il. En 2022 et 2023, la floraison a été très belle dans toutes mes vignes, écimées ou pas à la fleur. »
Fabien Garcia est lui aussi adepte de cette pratique : « J’essaie de faire un petit écimage début floraison pour freiner la pousse du grenache. Cela ne coûte rien. Mais s’il doit couler, il coule, comme disait mon grand-père qui avait déjà tout essayé. »
En revanche, pas de rognage à la floraison pour Jean-Baptiste Duquesne, du Château Cazebonne (Gironde), et Aurélien Schlienger. Toutefois, ce dernier positionne un soufre poudre à fin floraison sur les parcelles sensibles à l’oïdium, « avant tout pour lutter contre la maladie, et parce que cela favorise la chute des capuchons floraux et améliore la nouaison ». Une pratique partagée par Laurent Charvin : « si j’ai besoin de faire un poudrage de soufre, je vise la floraison. Mais, en bio, on n’a parfois pas le choix de traiter au moment où l’on voudrait. »
En 2017, en prévision de conditions favorables à la coulure, plusieurs vignerons du Vaucluse ont appliqué des produits à base de bore ou écimé en pleine floraison. Suivis par la chambre d’agriculture, les essais avec trois applications de bore sur six parcelles n’ont pas « montré d’effet positif systématique ». Menés sur huit parcelles, les essais d’écimage à mi-floraison ont été plus concluants, se soldant par une hausse des rendements de 20 % en moyenne, allant de 8 à 82 %, selon les parcelles. La chambre d’agriculture rappelle que « la coulure dépend de nombreux facteurs ».