n 2016, les propriétés édulcorantes de l’astilbine et sa teneur abondante dans les rafles étaient mises en valeur par Blandine Cretin. Un travail que poursuivent Marie Le Scanff et Axel Marchal, chercheurs à l’Université de Bordeaux, dans une récente étude publiée sur le site Oeno-One.
Pendant trois millésimes (2019, 2020 et 2021), Marie Le Scanff et Axel Marchal mènent des expérimentations en Bourgogne, dans le beaujolais et le bordelais sur les cépages pinot noir, gamay et merlot. Pour chaque expérimentation, avec des raisins issus d’une même parcelle, une modalité totalement égrappée est comparée à une modalité avec 15 à 50% de rafles. Premier constat : l’ajout de rafles n’a eu aucun effet sur le pH et le degré alcoolique. « On entend souvent dire que l’utilisation de la rafle va baisser le degré d’alcool : elle ne changera le profil des vins qu’à condition qu’on en utilise beaucoup. A petite concentration, l’incidence est faible, voire négligeable » assure Axel Marchal.
Les chercheurs s’intéressent ensuite à l’astilbine, molécule sucrée des vins rouges secs. La présence de rafles lors de la vinification augmente sa teneur, et cela, quel que soit le cépage. Pour chaque cépage, la teneur en astilbine est différente : elle est plus élevée dans les vins de gamay et de pinot noir que dans les vins de merlot. « En revanche, la proportion de cette augmentation est plus importante dans le merlot que le gamay ou le Pinot Noir » explique Marie Le Scanff. Un résultat qui peut être interprété par une proportion d'astilbine plus importante dans les rafles de Merlot. « Il y a plus d’astilbine dans les rafles que dans les pellicules de Merlot contrairement au Pinot noir et au Gamay où les rafles et les pellicules en contiennent en proportions égales.
L’effet millésime de l’astilbine se confirme également…mais avec une nouvelle hypothèse. En 2019 et 2020, les concentrations moyennes d'astilbine mesurées sur pinot noir sont respectivement de 43,8 mg/L et 47,7 mg/L et significativement supérieures à celles de 2021 (27,1 mg/L). Le stress hydrique était donc a priori plus élevé en 2020, millésime où la concentration en astilbine est également la plus élevée, tandis qu’en 2021, les cumuls pluviométriques étaient plus élevés, ce qui correspondrait à un moindre stress hydrique. Des éléments en faveur d’un potentiel lien entre la disponibilité en eau de la vigne et la concentration d'astilbine dans les rafles comme l’indique Axel Marchal : « Nous en restons aujourd’hui au stade de l’hypothèse mais la corrélation nous semble robuste ».
« On sait désormais que l’astilbine est perceptible à une teneur supérieure à 5,7 mg/L » explique Marie Le Scanff qui a déterminé ce seuil de détection gustative. La chercheuse l’a quantifiée dans 123 vins rouges commerciaux et l’a retrouvée en moyenne à une concentration de 9,2 mg/L, soit une teneur supérieure à son seuil de détection gustative. Plus précisément, les vins de gamay et de pinot noir, s'élevaient respectivement à 19,9 mg/L et 24,6 mg/L, soit dix fois plus que les vins issus d'un assemblage de cabernet-sauvignon ou de merlot. Des teneurs bien supérieures au seuil de détection gustative, suggérant ainsi que l'astilbine contribuait directement à l’équilibre gustatif de nombreux vins rouges secs.