etour vers le futur : les vins rouges d’appellation Blaye veulent revendiquer à l’avenir le nom de Blavia, le nom latin de la cité girondine*. Inhabituel, un changement de nom d’appellation est un évènement dans le vignoble français. N’ayant suscité aucun désaccord lors de sa Procédure Nationale d’Opposition (PNO) de septembre 2023 et ayant été adopté le 30 novembre 2023 par le comité national des AOP de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), la demande de modification de l’appellation Blaye en Blavia par son Organisme de Défense et de gestion (ODG) doit désormais être étudiée par la Commission Européenne. En attendant, l’INAO ne souhaite pas communiquer et l’ODG s’arme de patience. « Il est possible que la modification d’AOC soit validée en 2024, mais nous ne sommes pas sûrs d’avoir une réponse avant la récolte. Rien n’est officiel tant qu’il n’y a pas de validation » partage Karine Cailleaux, la directrice de l’ODG de l’AOC Blaye.
S’il est difficile pour l’AOC Blaye de promouvoir une identité Blavia encore soumise au contrôle de Bruxelles, l’ODG peut déjà expliquer que ce changement de nom n’est pas lié à la centrale nucléaire de Blaye (contrairement aux vignerons de l’AOC Tricastin rebaptisée Grignan-Les Adhémar il y a une quinzaine d’années). Il s’agit de clarifier la coexistence entre deux AOC autonomes pouvant prêter à confusion : Blaye et Blaye côte de Bordeaux. En blanc et rouge, cette dernière appellation est une dénomination géographique complémentaire de l’AOC Côte de Bordeaux (ayant son propre ODG). Comme Cadillac, Castillon, Francs et Sainte-Foy. Mais ces dénominations ne font pas écho à une appellation à part entière cohabitant en même temps.
Pour ne plus brouiller le message et clarifier l’offre, l’ODG de l’AOC Blaye travaille depuis des années à cette modification de son nom et de ses caractéristiques identitaires. L’objectif étant de redonner de l’attractivité à l’AOC Blaye (se réduisant actuellement à peau de chagrin) en la premiumisant (au sommet de la pyramide des Côtes). Changement majeur si l’Europe valide le dossier d’AOC Blavia, le cépage malbec rentrerait parmi les cépages majoritaires (avec merlot, cabernet franc et sauvignon). Si les vins de Blaye/Blavia resteraient un vin d’assemblage (avec 50 % de merlot minimum), le malbec pourrait aller jusqu’à 50 % de l’assemblage (contre 15 % précédemment, ce qui resterait la limite pour les cépages accessoires carménère et petit verdot).
Mis au goût du jour, le cahier des charges souhaite également mettre en place des mesures agroécologiques (évacuation des pieds morts, interdiction du désherbage chimique total et des tournières, interdiction de paillage plastique et calcul de l’Indice de Fréquence des Traitements, l’IFT). Globalement, « avec une zone d’appellation réduite [40 communes], des densités de plantation élevées [6 000 pieds à l’hectare minimum] et des rendements parmi les plus faibles du bordelais [rendement visé de 48 hl/ha], l’appellation Blavia s’inscrit aujourd’hui dans cette logique de valorisation des vins du Blayais » explique la proposition de cahier des charges.
Dans le fond, « ce travail permet de relancer une AOC identitaire de notre aire géographique » note Karine Cailleaux, qui note qu’après la chute des volumes de l’AOC Blaye, le dépôt de demandes d’identification parcellaire témoignent de l’intérêt de cette relance.
* : Un nom qui a déjà été utilisée pour un vin de Blaye, avec la marque Blavia du négociant Mähler-Besse (qui l’a exploitée au début des années 2000, sa marque ayant expiré fin 2021).