omment analysez-vous la situation dans le vignoble occitan cette fin d’hiver ?
Denis Carretier : Le contexte est très compliqué pour les sorties de vin. Les caves coopératives et particulières qui ne sont pas organisées commercialement pour avoir des partenaires fiables sur la durée, en bio ou non, sont en grande difficulté, leurs ventes sont désorganisées. Pour les autres, tout ne va pas bien : les vins ne sont pas payés au juste prix. Le problème est que l’on va dans quelques mois vendanger et que l’on aura des caves pleines. On va vers des situations compliquées.
Dans notre région, le fonds d’urgence viticole est une bouffée d’air pour le manque de récolte (lié à la sécheresse ou aux excès d’eau/mildiou). Charge aux viticulteurs de remplir ces dossiers de candidature. Je constate avec amertume que la réduction obtenue sur le GNR est malheureusement peu demandée. Il y a des gens pour critiquer, mais pas pour monter les dossiers. Il faut aller chercher ce que l’on peut obtenir. Depuis le gel 2021, regardons tout ce qu’a pris la filière viticole en millions d’euros par rapport à d’autres filières. Pour la grande région Occitanie, je lève mon chapeau à Jérôme Despey, président de FranceAgriMer et n+2 de la FNSEA, qui se bat bec et ongle pour l’arboriculture et la viticulture.
La crise viticole semble plus être devant la filière que derrière, alors que l’arrachage temporaire tarde à se concrétiser.
Il y a deux types de volumes qui ne sont pas vendus. Ceux faute de partenaires fiables sur la durée, ceux qui ont des produits qui ne sont pas adaptés au marché. C’est joli de produire du raisin, mais je suis désolé, quand on produit du vin, il faut savoir quoi en faire. Nous allons avoir un contrat d’objectif avec la région Occitanie pour segmenter la production. On ne peut pas critiquer ceux qui rentrent des vins d’Espagne et être incapable de produire ce type de vin dans plus grande région viticole du monde. Il faut produire des vins AOP et des vins IGP, et il faut savoir produire dans certains territoires des entrées de gamme avec des volumes contractualisés et un prix indexé. Des volumes qui ne sont pas seulement produits quand il y a trop de raisin. Il faut arriver à segmenter la production, c’est l’un des axes du contrat d’objectif de région, construit en partenariat avec toutes les familles et interprofessions.
Contractualisons : ne produisons pas plus que ce que nous pouvons vendre. Contrairement à ce que l’on a fait. Il faut savoir s’adapter aux comportements des consommateurs. Dans le contrat de filière, il y aura de l’innovation, ce sera constructif. Nous ne sommes pas là pour dire que l’on arrache tout et que l’on s’en va. L’objectif de l’arrachage temporaire est de payer 2 500 à 4 000 €/ha en faisant durer les autorisations de droits sur une période plus longue (8 ans). Ce qui donne le recul nécessaire avec les metteurs en marché pour adapter ses produits et avoir une vraie stratégie de hiérarchisation. Aujourd’hui, les Côtes-du-Rhône ne se vendent pas et tout passe en Pays d’Oc. Pareil en Costières de Nîmes, Minervois, Corbières… Mais Pays d’Oc n’est pas extensible, ce qui compte ce sont les garanties commerciales et la capacité d’écoulement avec un accompagnement vertueux. S’il y a 40 ans il n’y avait pas eu l’invention de Pays d’oc par Jacques Gravegeal, Robert Skalli, Yves Barsalou… Qu’est-ce que l’on produirait maintenant ? Ce sont des produits encore rémunérateurs, même si pas suffisamment. Il faut mobiliser le gouvernement pour que l’on puisse intégrer à Egalim les coûts de production.
Que pensez-vous d’une idée de prix plancher pour les vins ?
Il ne faut surtout pas d’un prix plancher qui serait un prix minimum. L’objectif, c’est de travailler la loi Egalim avec des repères et des coûts de production. Tous nos partenaires commerciaux (Castel, Gands Chais de France, Gérard Bertrand…) achètent des vignobles et savent ce que coûte la production d’un hectolitre de vin. La loi Egalim peut hiérarchiser le prix avec le coût de production. IL faudra caler ces produits pour qu’ils correspondent au marché et à ses prix.
Après des manifestations fin 2023 et ce début 2024, la situation semble plus apaisée dans le Midi…
Aujourd’hui, il y a eu des avancées, on ne peut pas le nier. Même si certains ne les voient pas assez vite. Le point crucial pour notre avenir est la prise en compte de la spécificité méditerranéenne. Je lève mon chapeau à Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, qui demande que notre région soit expérimentale pour l’accès à l’eau. Ça veut dire se poser la question de l’accompagnement financier pour le stockage de l’eau hivernale pour un usage estival. On ne peut pas attirer des jeunes agriculteurs sans garantie de production et de prix rémunérateur.