epuis sa découverte en 2009 par des chercheurs australiens, le Sud-Ouest a largement participé aux travaux de recherche sur la rotundone, la molécule responsable de l’arôme poivré des vins.
C'est encore le cas avec le projet Pepper Your Wine initié en 2021 et financé par la région Occitanie et de nombreux acteurs du sud-ouest dont le groupement de producteurs Plaimont. La fin de ce projet était l'occasion pour Olivier Geffroy, chercheur à l’école d’ingénieurs de Purpan, de partager les dernières avancées en la matière à la maison des vins de Gaillac. Ce jeudi 29 février, ils étaient une trentaine, principalement acteurs du projet, à venir pour mieux comprendre cette molécule et tenter d’en maximiser sa concentration dans les vins.
« La concentration en rotundone de 18 cépages régionaux a été analysée en 2021 à 40 jours après la véraison » déclare Olivier Geffroy. Première surprise : certains cépages pourtant connus pour leur production élevée tel que le gamay ou le grüner vetliner, n'en contenaient pas. « Nous en avons retrouvé dans le fer, le duras, le tardif, mais aussi dans le grenache, dans lequel on ne s’attendait pas du tout à en avoir » explique-t-il.
En s’intéressant de plus près aux gènes et enzymes spécifiques de la rotundone dans le tardif, les chercheurs ont identifié et séquencé des allèles capables de produire de l’alpha-gaiène, le précurseur de la rotundone. « Pour avoir des vins poivrés, il faut donc que le cépage possède le potentiel enzymatique mais également qu’il soit positionné dans des conditions environnementales favorables » déclare Olivier Geffroy, ce qui pourrait expliquer les concentrations retrouvées dans le grenache, situé dans sa limite climatique de culture et qui pourrait, dans ces conditions, lui permettre d’exprimer ce caractère poivré.
« On soupçonnait l’éclairement d’avoir un impact positif sur la biosynthèse de la rotundone donc on s’est intéressé à l’impact du rayonnement UV sur la production de rotundone » explique le chercheur.
Pour ce faire, des cals – des amas de cellules indifférenciées – ont été exposés aux UV grâce à un nouveau système à LED permettant de générer différentes longueurs d’ondes et d’émettre des signaux lumineux modulés. « Boxilumix permet de choisir la longueur d’onde sans stresser le végétal » précise Christine Roynette, présidente d’Asclepios Tech. « Il nous a permis de multiplier par 10 la quantité de sesquiterpènes sans impact de la durée de traitement ». Les chercheurs ont également constaté qu’apposer un film anti-UV pénalisait l’accumulation de la rotundone.


Une autre observation réalisée au vignoble a elle aussi pu être confirmée : l’apport d’eau stimule l’expression de trois gènes candidats qui interviennent dans la voie de biosynthèse de la rotundone.
Enfin, l’exposition des cals à l’éthylène a également permis d’augmenter la concentration en sesquiterpènes. « Et si l'on ne peut pas utiliser d’éthylène au vignoble, on peut cependant utiliser son précurseur, l’éthéphon, utilisé dans le Sierra pour l’éclaircissage chimique ». Un levier potentiel qui permettrait d'augmenter les concentrations en rotundone au vignoble pour Olivier Geffroy.
« On avait déjà remarqué que l’on avait plus de rotundone sur les baies touchées par l’oïdium. On a donc cherché à savoir s'il y avait des interactions entre cette molécule et les champignons responsables de maladie » explique Olivier Geffroy.


Sur le Botrytis, les chercheurs testent une pulvérisation de différentes concentrations d’alpha-gaiène et de rotundone. « On a une meilleure croissance du champignon lorsque l’on ajoute de la rotundone ou de l’alpha-guaiène, comme si l’ajout de ces molécules stimulaient la croissance du Botrytis » déclare Olivier Geffroy.
En revanche, c’est l’inverse pour le Black Dead Arm et le mildiou : la rotundone et son précurseur freinent leur développement. "Pour l'oïdium, nous constatons un phénomène d'hormèse c'est-à-dire, un effet protecteur favorable du précurseur de la rotundone" explique Olivier Geffroy. Sans pourvoir expliquer clairement les liens entre rotundone et maladies, les chercheurs estiment que la rotundone et l’alpha-gaiène peuvent avoir des effets stimulants ou inhibiteurs, et à l'inverse, les maladies peuvent elles aussi avoir un impact sur la concentration en rotundone.
Mauvaise nouvelle : si vous êtes anosmique à la rotundone, vous risquez de le rester. « Aujourd’hui, 20 à 25% des personnes sont incapables de détecter la molécule. Les perceptions sensorielles du vin peuvent donc être vécues différemment en fonction des personnes » explique Olivier Geffroy.


« Nous avons donc cherché à exposer quotidiennement un panel de personnes anosmiques à la rotundone pendant un mois pour savoir si cette exposition pouvait améliorer leur niveau de sensibilité » explique Olivier Geoffroy. « Malheureusement, les panélistes n’ont pas progressé, ce qui irait dans le sens d’une origine génétique de cette anosmie. Nous allons sans doute travailler dessus ».
Pour le moment, les chercheurs s’attèlent déjà à la suite du projet baptisé "Aromagique", financé par Toulouse INP, qui devrait désormais permettre de définir l’impact du collage sur la rotundone, qui semble avoir une forte affinité avec les solides. Une nouvelle piste pour tenter de maximiser sa concentration dans les vins !