u domaine Gayda, à Brugairolles, dans l’Aude, c’est en 2021 que les trois premiers foudres de 25hl ont fait leur entrée. «Nous en avons acheté trois autres en 2022, explique Lucie Kempnich, la maître de chai. Nous voulions passer plus de volume sous bois, tout en préservant la fraîcheur de nos vins et en maîtrisant l’apport boisé. Nous utilisons les foudres neufs pour y fermenter puis élever nos blancs pendant dix mois. Les années suivantes, ils servent à l’élevage de nos cuvées haut de gamme en rouge pendant 24 à 36 mois.» Satisfaite du résultat, Lucie Kempnich espère pouvoir acheter de nouveaux foudres pour le millésime 2024.
Pour ceux qu’elle possède déjà, elle s’est fournie chez Stockinger, une tonnellerie autrichienne. Il a fallu également revoir l’organisation pour les loger. «Nous avons diminué notre parc de barriques et créé un nouveau chai pour les rouges en 2023 dans lequel sont réunis les six foudres et nos barriques», précise-t-elle.
À l’usage, Lucie Kempnich voit d’autres intérêts à ces contenants que l’apport d’un boisé très fondu : «C’est plus facile de gérer un seul foudre de 25hl que cinq fûts de 500 litres ou dix fûts de 225 litres : on a moins de manipulations. Et les soutirages sont plus simples à faire grâce aux vannes situées en façade.» Même chose pour l’ouillage. «C’est très rapide : il suffit de monter sur un escabeau et, en moins d’une heure, j’ai terminé», raconte la maître de chai.
Pour le domaine Gayda, pas question d’abandonner la barrique pour autant. «Nous avions environ 500 barriques de 225 litres et nous n’en avons plus que 400. Nous souhaitons maintenir le parc à ce niveau, avec une trentaine de fûts de 500 litres pour l’élevage de nos blancs», confie la maître de chai.
À Bordeaux, le Château Bellefont-Belcier cède, lui aussi, au charme des foudres. Dans ce grand cru classé de Saint-Émilion, propriété de 14ha appartenant au groupe Vignobles K, le parc à barriques ne compte plus que 120 fûts, contre 200 il y a six ans. «En 2018, nous avons commencé par acheter deux foudres de 40hl, puis deux autres l’année suivante, raconte Emmanuelle Fulchi, la directrice technique, satisfaite des premiers essais. Les vins sont plus frais, plus aromatiques et moins maquillés. Cela permet de conserver l’élevage tout en diminuant le boisé : c’est ce que recherche le consommateur.»
Pour bien apprécier l’apport des foudres, Emmanuelle Fulchi a mis en place un suivi rigoureux de son premier élevage, avec Taransaud, son fournisseur : «D’un point de vue analytique, nous voyons des différences significatives entre les foudres et les barriques. Quand on entonne un foudre, on dissout plus d’oxygène que dans une barrique. Mais l’oxygène chute très vite. En entonnant un même vin, on aura à terme moins d’oxygène dissous en foudre qu’en barrique.» En effet, plus le contenant est gros, plus les apports d’oxygène sont faibles.
De même, les petits contenants favorisent les précipitations tartriques car les phénomènes sont plus rapides. «Dans les foudres, on a moins de précipitations tartriques et donc un pH plus bas. On a des écarts d’environ 0,06 point en pH et 0,1g/l d’H2SO4 en acidité totale», constate la directrice technique, avant de préciser : «Nos clients ne se formalisent pas s’ils trouvent un peu de dépôt en bouteilles.»
Ici, les foudres ne servent qu’à l’élevage. «Je vinifie d’abord en cuve en béton puis j’élève les vins pendant 14 à 18 mois, 35% en foudres et 65% en barriques. Je choisis les lots à élever en foudre pour leur fraîcheur et leur pureté aromatique. Certains sont des assemblages de cabernet franc, cabernet-sauvignon et merlot, d’autres des 100% cabernet franc, un cépage très intéressant à élever en foudre sur nos terroirs argilo-calcaires», indique-t-elle.
Même constat au domaine Gayda : moins de travail pour le soutirage et moins de temps passé pour l’ouillage. Côté entretien, les foudres sont rincés, brossés puis nettoyés à la vapeur comme les barriques. Ici, pas besoin de méchage. «Un millésime chasse l’autre. On les laisse vide pas plus de 48heures pour éviter qu’ils ne sèchent.»
Pour le moment, pas de nouvel achat en vue pour le Château Bellefont-Belcier. «On a trouvé le bon équilibre, mais si l’on replante davantage de cabernet franc, on achètera sans doute d’autres foudres», ajoute Emmanuelle Fulchi.
Autre propriété du groupe Vignobles K, le Château Tour Saint-Christophe a également fait l’acquisition de deux foudres de 20hl. «Je les utilise pour deux très belles parcelles de cabernet franc. Mais là-bas, deux foudres, c’est suffisant car le terroir est plus calcaire ; les vins sont plus tanniques. Or, les tanins ont besoin d’être élevés en barrique», précise Emmanuelle Fulchi.