e système des notations de vins est né de ce que ces trois chercheurs* qualifient « d’asymétrie d’information » entre les producteurs et les consommateurs de vins sur un marché axé sur l’expérientiel, où « les caractéristiques immatérielles du produit sont difficiles à évaluer avant leur consommation ». Dans ce contexte, les prix servent souvent de « signaux qualitatifs », donnant naissance à des études pour en déterminer les éléments constitutifs. Outre des aspects objectifs comme la région d’origine, les qualités sensorielles, les cépages, la notoriété du domaine ou les caractéristiques météorologiques ou climatiques, par exemple, les notations font partie des déterminants subjectifs, surtout pour les vins positionnés dans le haut de gamme. Leur influence sur les prix est avérée : certaines études estiment qu’une augmentation de 10% des notes décernées par les critiques les plus influents – qui seraient Robert Parker et Jean-Marc Quarin – conduisent à une hausse d’environ 7% du prix des Bordeaux en primeur. D’ailleurs, comme le font remarquer les auteurs de l’étude, les producteurs bordelais se servent de ces notations pour guider leur positionnement prix futur.
Si ces affirmations sont basées sur de multiples études, les trois chercheurs de l’Université de Paderborn en Allemagne et de Castle Seeburg (Seekirchen) en Autriche, ont souhaité comprendre la relation dynamique entre les notations professionnelles et le prix des vins. Ils se sont focalisés notamment sur le rapport entre les deux, et une éventuelle régularité au sein des critiques qui définirait les notations actuelles. Pour ce faire, ils se sont basés sur 13 911 commentaires publiés par le magazine américain « Wine Enthusiast » pour analyser 8 444 vins issus du monde entier et leurs notations sur une période de vingt ans, en tenant compte de la chronologie des critiques, des notations et des prix sur la durée.
Premier constat : une relation positive et significative existe bel et bien entre les notations et le prix des vins. « Une augmentation d’une unité de la note d’un expert conduit à une hausse d’environ 8% du prix d’un vin », notent les auteurs de l’étude. Deuxième observation : la régularité des commentaires sur la durée influe sur les notations actuelles, il existe donc des modèles. L’étude confirme également que les notations ont tendance à privilégier les vins rouges et blancs, avec des scores et des prix bien plus élevés que pour les rosés. Mais elle fait ressortir un nivellement des prix pour l’ensemble des couleurs au fil du temps.
Conclusion : « Il serait sans doute judicieux que les vignerons soumettent leurs produits à des évaluations régulières pour des millésimes différents et qu’ils alignent leur positionnement prix sur les résultats des notations, compte tenu du fait que les scores les plus élevés font augmenter les prix sur le marché ». Les chercheurs soulignent que, contrairement à bon nombre d’études dédiées au rapport entre les notations et les prix des vins, leurs conclusions s’appliquent à différents vignobles dans le monde, à la fois en Europe et dans le Nouveau Monde. Ils observent, par ailleurs, que les notations restent particulièrement prisées par les vignerons, et à quel point elles ont bouleversé le schéma antérieur, où il suffisait par exemple d’apposer le nom d’un premier ou grand cru sur l’étiquette pour générer des prix plus élevés. Enfin, une notation positive influe également sur la demande, de façon immédiate et sur la durée : une étude californienne citée montre une hausse moyenne de 25% des ventes de vins affichant des commentaires d’expert.
*Daniel Kaimann, Clarissa Laura Maria Speiss Bru et Bernd Frick