Peut-être qu’il y aura 100 000 ha de moins en France rapidement. Il y a besoin de le faire. Mais il restera 650 000 ha de vignes », a lancé Bernard Farges, le président du Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d'origine et à indication géographique (CNIV) dans un discours prononcé ce 18 octobre, devant le congrès annuel de la fédération des pépiniéristes à Reims-Bezannes.
Faudrait-il donc arracher 100 000 ha pour rééquilibrer l’offre et la demande ? « C’est un chiffre qui n’a rien de scientifique, nous a précisé Bernard Farges par la suite. C’est un ordre de grandeur qui est lié au contexte actuel. Si on ne fait rien, si on ne travaille pas sur de nouveaux profils de produits, sur la recherche de nouveaux consommateurs, c’est entre 100 et 150 000 ha de vignes qui sont en danger. En 2020, on a distillé. En 2021, on a eu une petite récolte et on distille à nouveau en 2023. Le potentiel de production du vignoble français est largement au-dessus des capacités de commercialisation. »
Quelques jours plus tôt, lors d’un déjeuner de presse organisé par Vin et Société, Samuel Montgermont, le président de l’association, a avancé qu’il y a 70 000 ha en trop en France. « C’est un chiffre à prendre avec précaution, qui peut faire peur, nous a-t-il indiqué par la suite. Cela correspond au volume trop important de vin sur le marché français. Il faut recalibrer le potentiel de production. Le marché évolue plus vite qu’on ne le pense. On a distillé deux fois en quatre ans. On ne peut pas continuer ».
Ces évaluations laissent perplexes les autres responsables professionnels. « Nous sommes dans l’incapacité totale de donner un chiffre. 100 000 ha, ça me paraît ambitieux et exagéré », indique Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC). Pas d’évaluation non plus chez VinIGP. « 15 à 20 % du marché des vins rouges est planté, observe Gérard Bancillon, le président de la confédération des producteurs d’IGP. Mais il faudrait corréler cela aux rendements dans chaque région pour arriver à un chiffrage. »
« Je n’ai pas connaissance d’un recensement du nombre d’hectare en excédant par bassin, indique pour sa part, Jérôme Despey, le président du conseil des vins de FranceAgriMer. Il n’y a pas l’ombre d’une demande pour évaluer le nombre d’hectares à éliminer par rapport à la situation actuelle du marché. »
Et pour cause : établir un tel bilan laisserait penser qu’il s’en suivrait une demande de plan d’arrachage définitif assorti d’une prime d’abandon comme ce fut le cas en 2008/2009. Or la règlementation européenne ne le permet plus et aucun responsable professionnel ne semble vouloir d’un tel plan ou imaginer qu’il serait réalisable. « Il n’existera pas de prime de 6 000 €/ha pour arracher 70 000 ha. Il ne faut pas traiter la solution par l’arrachage définitif comme par le passé », assène Samuel Montgermont.
Alors comment ? Avec la restructuration différée. L’idée est dans l’air depuis quelque temps. Elle revient sous une nouvelle forme. « Il s’agirait de lancer un appel à projet pour de l’arrachage sanitaire, pour éviter que des vignes soient tout simplement abandonnées, explique Jérôme Despey. Les candidats seraient aidés à hauteur de 50 % du coût de l’arrachage, soit environ 2 400 €/ha. Cette aide serait déliée de l’aide à la restructuration. Les bénéficiaires garderaient leur droit de plantation pendant 5 ans au bout desquels ils les perdraient s’ils ne replantaient pas. »
Le 25 octobre Ludovic Roux, président de Coop de France Occitanie s’envolait pour Bruxelles pour aller défendre cette idée avec le Copa-Cogeca devant la Commission européenne. « Nos collègues italiens et espagnols soutiennent ce projet, dit-il. On ne peut pas laisser les gens dans la difficulté. Il faut trouver des solutions. » Dans le meilleur des cas, cette mesure pourrait voir le jour pour la prochaine campagne.