n vin fruité, intense, qui sort du classicisme bordelais : c’est ce qui a séduit Leclerc. Cette enseigne a acheté la totalité des 20 000 cols de la nouvelle cuvée Next Generation du château de l’Orangerie pour sa foire aux vins d’automne, qui a eu lieu du 30 septembre au 14 octobre dernier. Une bouteille à 5,90€. Mieux : dans son dossier de presse, Leclerc porte ce 100 % cabernet-sauvignon aux nues affirmant qu’il fait partie des «dix vins de demain» et qu’il a été produit par un vigneron qui témoigne «d’un enthousiasme encourageant pour ceux qui hésitent encore à bousculer la tradition afin de trouver des solutions».
«Nous devons créer des cuvées qui bousculent les codes établis afin d’engranger de nouveaux clients et de montrer que Bordeaux n’est pas mort», déclare Mathias Icard, responsable commercial de Famille Icard basée à Saint-Félix-de-Foncaude, en Gironde, et qui possède 250ha et trois châteaux dans l’Entre-Deux-Mers, dont l’Orangerie.
De fait, la cuvée Next Generation a été vinifiée avec une levure révélatrice d’arômes thiolés afin de séduire une clientèle de trentenaires qui délaissent les Bordeaux. La bouteille est bourguignonne. Sur l’étiquette, «Next Generation» est imprimé en grosses lettres gaufrées sur le terme «Bordeaux». Cette année, le Château double la production de cette cuvée et compte la présenter à ses importateurs en Corée du Sud, aux États-Unis et en Chine.
Next Generation n’est pas la première cuvée imaginée par Mathias Icard (28 ans, école de commerce et expérience de deux ans à Los Angeles pour Gérard Bertrand). Et de rappeler que le Bordeaux rouge classique du Château de l’Orangerie, écoulé chez Carrefour depuis vingt ans, stagne à 100 000 cols. Alors, pour cette enseigne, il a concocté «Les Parcellaires par Jean-Christophe Icard», un 100% petit verdot (30 000 cols) et un 100% malbec (20 000 cols) sortis en 2021. La cible : un public averti et trentenaire. L’année suivante, il retravaille le packaging et choisit une bouteille plus large et moins haute pour se rapprocher de l’univers des spiritueux. Les étiquettes, elles, affichent la date de vendange, le numéro des parcelles et les notes de dégustation du maître de chai.
Avant Mathias, Jean-Christophe, son père, avait déjà fait preuve d’audace. En 1999, ce fan de bande dessinée contacte Philippe Geluck, le créateur du Chat, afin de lui présenter le Château de l’Orangerie. De cette rencontre naît la cuvée À la Gloire du Chat. Aujourd’hui, ce Bordeaux supérieur totalise 100 000 cols en GD en France et à l’export. En 2015, nouvelle cuvée : le Chat pose sur le rosé «Canicule», un vin de France à boire avec des glaçons. Une exclusivité pour l’enseigne Lidl (400 000 cols).
Par la suite, Jean-Christophe lance d’autres partenariats, toujours dans l’univers de l’illustration, avec les ayants droit de La Panthère rose et des Shadoks. En 2018, il fait affaire avec le créateur de Smiley (le rond jaune qui sourit). De cette dernière collaboration naît une gamme de cinq vins de cépage. «Smiley a fait le packaging avec nos conseils. On a proposé une forme de bouteille qui joue sur la jovialité et la rondeur», relate Mathias Icard. Un autre succès : 600 000 cols distribués dans le monde, dont 300 000 en France en GD et à l’export.
C’est en 1986 que Jean-Christophe Icard reprend le Château de l’Orangerie, 8ha à l’époque. Il ne cessera de se développer pour atteindre 250ha et écouler 1,2million de bouteilles. Il lancera aussi une activité de négoce. Dès le départ, il mise sur les grandes surfaces. «La GD nous a permis de nous développer en confiance. Aujourd’hui, les acheteurs de la grande distribution croient en Bordeaux au travers de viticulteurs qui innovent», lâche Mathias. L’export représente 35% du chiffre d’affaires du château.