uand le vin se fait label, le consommateur trinque à la complexité des logos et le producteur regrette que les pictogrammes n’expliquent pas ce qu’il fait mieux au quotidien. « Il y a des tas de labels, le consommateur est complétement perdu » résume Aymeric Izard, le directeur d’exploitation du château Sérame dans les Corbières (groupe Famille d’Exéa, 240 hectares de vignes bio), qui répond à cette problématique récurrente en adoptant le Planet Score. Premier vin à afficher cette notation de lettres colorées (du A vert au E rouge) sur trois critères environnementaux (l’usage des pesticides, la protection de la biodiversité et la mobilisation contre le changement climatique).
Cette démarche « permet de résumer toutes nos démarches. En communiquant sur la bio, on ne parle que d’une partie de nos actions, de ce que l’on fait. Idem pour la Haute Valeur Environnementale (HVE), la biodynamie... » explique Aymeric Izard, qui mise sur « les complémentarités entre HVE (gestion de la biodiversité) et bio (formalisation des intrants). On cumule les deux : mais comment l’étiqueter ? Et pourquoi cumuler les logos quand il existe un outil lisible ? » Sur analyse documentaire, sa cuvée est notée A pour les pesticides, B+ pour la biodiversité et A pour l’empreinte carbone. Si la Famille d’Exéa communique sur ses plantations d’arbres (5 000 en 2021, 10 000 prévus en 2023 et 2024), cette politique d’agroforesterie ne porte par encore ses fruits, les plants étant encore jeunes (avec un impact réduit sur la biodiversité).


Seul producteur de vin français annonçant actuellement afficher* le nouveau Planet-Score (aussi visible à Cognac, voir encadré), la famille d’Exea devrait prochainement être rejointe par d’autres cuvées. « Dans le domaine des vins et spiritueux, d’autres entreprises vont communiquer prochainement, mais nous leur laissons bien sûr la primeur du lancement » explique Sabine Bonnot, la porte-parole de Planet-Score, également présidente de l’Institut Technique de l’Agriculture Biologique (ITAB) qui a porté la création de cet affichage environnemental (désormais externalisé, voir plus bas). « Nous travaillons avec plus d’une dizaine de maisons et coopératives dans le secteur, en France mais également à l’étranger. Le secteur fait de belles choses, et est en train de s’organiser pour faire la transparence sur les trajectoires de progrès engagées. Le Planet-score permet de restituer ces trajectoires avec de la nuance, en tant que tiers de confiance, sans tabou et sans greenwashing » poursuit Sabine Bonnot.
Grâce à des algorithmes dédiés, le Planet Score utilise 25 indicateurs pour noter toutes les productions agricoles (avec la fréquence/profondeur du travail du sol, la diversité des couverts végétaux, les stratégies quantitatives et qualitatives de la fertilisation, les surfaces d’infrastructures agro-écologiques… et un critère dédié aux produits étrangers). Face aux liens historiques du Planet Score avec la filière bio, Sabine Bonnot répond que des produits non-bio ont déjà été notés A (grâce à l’usage de biocontrôles, « cela nécessite néanmoins des trajectoires techniques ambitieuses » reconnaît-elle) et que des produits bio n’ont pas toujours la note A (impliquant des points d’amélioration, car « c’est un niveau assez difficile à atteindre »).


Pour Sabine Bonnot, « l’avantage d’une évaluation Planet-score est précisément de ne pas être face à un flou artistique, ou à un mode de pensée binaire (bio = parfait, conventionnel = terrible), et de pouvoir accéder à une connaissance approfondie de ses facteurs d’impacts négatifs et positifs ». Notant que des vins conventionnels ont le potentiel de bonnes notes, l’arboricultrice gersoise résume : « AB est souvent bien, mais là aussi il y a de la nuance. […] Nous faisons parfois des insatisfaits côté Bio, c’est je pense un signe clair de notre indépendance. Nous ne sommes pas là pour faire plaisir à tel ou tel (secteur, filière, entreprise…), mais pour aider le secteur de l’agroalimentaire à faire sa mue. »
Autre sujet à éclaircir, l’indépendance du Planet Score par rapport aux institutions bio (l’ITAB ayant hébergé l’outil lors de sa création, soutenue par des associations pour l’environnement et les consommateurs). « L’ITAB n’est qu’actionnaire non-majoritaire de la SAS entreprise à mission (seulement 13 % des voix) et l’ensemble des actionnaires m’ont nommée présidente intuiti personae compte tenu de ma connaissance du sujet et de mon implication dans le porte-parolat, et non parce que j’ai un mandat de Présidente de l’ITAB. Cette structuration par externalisation est d’ailleurs classique pour les instituts de recherche. L’INRAe en a par exemple plus d’une centaine » argument Sabine Bonnot, ajoutant que « conformément aux statuts de l’ITAB, un autre élu de l’ITAB que moi représentera l’institut lors des assemblées générales (lors desquelles l’ITAB vote en tant qu’associé minoritaire). La SAS est en pratique totalement autonome et, pour être clair, elle est affranchie de toute subordination qui voudrait qu’elle soit nécessairement ‘pro bio’ si telle est la question sous-jacente. »
Actuellement, 300 marques ont recours au Planet Score (la moitié pour des produits français). La grille tarifaire est proportionnelle aux tailles des opérateurs. L’abonnement annuel commence à 300 € HT (pour les très petites entreprises de moins de 3 employés et 100 000 € de chiffre d’affaires) pour monter jusqu’à 5 000 € HT (plus de 1 000 salariés ou 100 millions €). Le coût d’une notation est de 10 € HT par produit (et 100 € HT pour une notation incorporant des recommandations d’amélioration). L’utilisation des notes du Planet Score en ligne et sur les étiquettes n’est pas facturée (mais doit être valisée en termes de charte graphique).


Pour son premier praticien dans le vignoble, « Planet score est une réflexion globale » résume Aymeric Izard, qui y voit une forme environnementale du Nutriscore, dont la lisibilité est adaptée aux consommateurs. Le Planet Score demandera une phase de pédagogie ajoute-t-il, notant que cette étape ne sonne pas la fin des labels. Son groupe se lançant dans la certification par Demeter.
* : Il y aurait eu d’autres essais, mais il n’y a pas d’obligation pour le producteur d’afficher sa note.
Dans le vignoble, on trouve aussi une eau-de-vie notée par le Planet Score : le cognac de Vivant, qui obtient le gade B. « La zone de production du Cognac est marquée par une monoculture du raisin. Que nos Cognacs soient bio y est déjà une belle exception » indique un communiqué de l’entreprise charentaise (dont les gins élaborés à base d’alcool vinique sont notés A). « Nous espérons à présent améliorer sensiblement notre notation Cognac.Pour cela nous devons démontrer et documenter précisément que nos cognacs biologiques sont produits sur des exploitations qui échappent aux inconvénients induits par la monoculture de la vigne : des polycultures présentant une diversité de paysage, donc une grande biodiversité, et s'attachant à optimiser la vie du sol » précise à Vitisphere Vivant, qui ajoute que « la notation Planet-score se fait uniquement sur documents. Planet Score n'a pas encore développé de système d'audit, contrairement à la certification bio qui examine de très près tous nos procès de production ».