ruc de flou ! Les vins effervescents issus de la vendange 2023 seront-ils soumis à l’obligation européenne d’étiqueter les ingrédients et informations nutritionnelles par QR Code ou physiquement ? La question reste en suspens, faute de précision dans le corrigendum de la Commission Européenne de cet été, qui ne fixe pas de millésime d’application (cela aurait été sans doute trop simple).
« La règlementation concernant l’étiquetage de la liste des ingrédients et de la déclaration nutritionnelle s’appliquera aux vins produits à compter du 8 décembre 2023. Cependant, aucune définition de "vin produit" n’existe formellement » résume Céline Meyer, conseillère politique pour Confédération Européenne des Vignerons Indépendants (CEVI). S’il n’y a pas de doutes pour les vins tranquilles exemptés par ce nouvel étiquetage ce millésime 2023 (à l’exception des vendanges très tardives), le doute subsiste pour les vins effervescents : sont-ils produits dès le vin de base, ou au tirage, ou au dégorgement, etc. ? Ayant eu des retours de la Commission Européenne sur une future formalisation d’une réponse technique, Céline Meyer souligne que « si ce point n’est pas précisé au niveau européen, c’est au niveau national de déterminer ce que veut dire "vin produit" ».


Appelée à faire appliquer cette nouvelle réglementation en France, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) indique à Vitisphere que « sur la signification du terme "produit", les autorités françaises souhaitent obtenir un positionnement de la Commission européenne via le projet de lignes directrices, actuellement en discussion. En effet, seule une application homogène de la réglementation sur l’ensemble du marché européen peut garantir la sécurité juridique des opérateurs français qui exportent. »
Auprès de certains opérateurs, il semble que la DGCCRF soit plus loquace. Des négociants ont eu comme information que le nouvel étiquetage ne s’appliquerait qu’aux vins tirés après le 8 décembre 2023 (soit l’essentiel de la récolte 2023, tirée début 2024). Ce qui distinguerait les vins effervescents de ceux tranquilles. « Ce serait un traitement différencié qui n’est pas voulu par le législateur » alerte Gaëtan Batteux, attaché juridique pour le Syndicat Général des Vignerons de Champagne (SGV), citant une locution latine : ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus (là où la loi ne distingue pas, nous non plus ne devons pas distinguer). Reste que dans l’immédiat, « il y a un flou : on est un peu spectateur » résume Edouard Castanet, animateur pour la Fédération Nationale des Producteurs et Élaborateurs de Crémants (FNPEC), qui rappelle un soulagement : « nous sommes déjà satisfait que la liqueur de tirage ne soit pas à détailler sur la liste des ingrédients. La mention "liqueur de tirage" suffit, sans avoir à alourdir de détails ni changer selon les lots. C’était primordial. »
Attendant des lignes directrices pour la fin d’année, la filière des vins effervescents espère que l’administration sera compréhensive dans la mise en œuvre et le contrôle du nouvel étiquetage dont les éclaircissements arrivent à chaque fois bien tardivement. « La DGCCRF prévoit de contrôler la bonne application de la réglementation avec pragmatisme, notamment en ce qui concerne les vins issus d’assemblages entre des vins "produits" antérieurement et postérieurement à la date du 08/12/2023. Des discussions avec les différentes composantes de la filière se tiendront une fois le cadre réglementaire précisé » conclut la DGCCRF.