e marché américain retombe. « C’est l’un de ceux où nous souffrons le plus cette année », constate Pierre Jury, directeur adjoint de Boisset Effervescence. « Nous livrons au compte-goutte depuis le début de l’année », abonde Michel Gassier, propriétaire du château de Nages et du domaine Gassier, à Caissargues (Gard), 70 ha dans les Costières de Nîmes. Pour son malheur, les États-Unis sont son premier marché. Il y vend le tiers de sa production qui flirte avec le million de cols.
Michel Gassier explique ce phénomène par la conjoncture post-Covid. « Nos clients ont terminé l’année 2022 avec des stocks élevés, expose-t-il. Devant la pénurie de containers qui a sévi à l’époque, ils ont décidé de se couvrir d’autant que les coûts du transport ont explosé et qu’ils ignoraient comment cela allait évoluer. Désormais, les importateurs américains veulent retrouver un niveau de stock normal. En attendant, ils ne prennent pas de positions. »
Olivier et Rémy Devictor, les propriétaires du domaine de la Sanglière, 23 ha à Bormes-les-Mimosas (Var), sont logés à la même enseigne. Ces deux frères produisent quelque 900 000 cols. Les États-Unis sont leur premier débouché après la France. Ils y exportent des côtes-de-provence rosés et d’IGP Méditerranée vendus entre 15 et 25 dollars le flacon.
« Cette année, c’est très compliqué, reconnaît Rémy Devictor. Nos importateurs ont surstocké l’an passé. En outre, certains de nos rosés sont arrivés trop tard sur les lieux de consommation. » Résultat, fin juillet, la part des USA est tombée à 13 % des volumes commercialisés par le domaine de la Sanglière contre 21 % en 2022. Mais il n’y a pas que des facteurs conjoncturels qui expliquent ce recul des vignerons provençaux. « Nous ne sommes plus les seuls à proposer des rosés, nous subissons la concurrence d’autres pays et d’autres régions françaises », observent-ils.
Dans le Bordelais, Julia Gazaniol, la directrice des ventes du château de Parenchère, 190 ha à Ligueux (Gironde), en AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur, voit aussi ses ventes s’essouffler depuis le début de l’année. Sur les 380 000 bouteilles qu’elle produit, 12 % débarquent aux États-Unis. « Sur place, les ventes de notre cuvée phare de bordeaux supérieur rouge a reculé de 8 % en volume depuis le début de l’année, indique-t-elle. Notre importateur nous a expliqué que c’était général. Les ventes de vin, toutes origines confondues, souffrent depuis le début de l’année. Selon lui, les consommateurs achètent moins de bouteilles, car elles sont devenues plus chères à cause de l’inflation qui est plus sévère qu’en Europe. »
Pour autant, Julia Gazaniol estime que les USA restent un marché porteur pour les vins tricolores. « Il y a du changement, souligne-t-elle. Notre importateur cherche à diversifier son portefeuille avec des produits plus novateurs et plus originaux. Autrefois, il ne voulait pas s’embêter avec des “micro “cuvées. Ce n’est plus le cas. Nous venons ainsi de lancer avec lui un bordeaux rouge sans sulfites ajoutés baptisé L’Équilibriste dont le prix va afficher 19 dollars en magasin. » Le test porte sur 3 000 cols.
Anna Tyack, responsable commerciale des Vignerons d’Estézargues (Gard), vient pour sa part de décrocher deux nouveaux importateurs outre-Atlantique. Elle aussi est persuadée qu’il existe des opportunités à saisir à condition de prospecter activement en se rendant sur place. Ce qu’elle fait une fois par an. « Il y a du renouvellement parmi les importateurs, constate-t-elle. Nous avons ainsi fait affaire avec deux jeunes sociétés dynamiques. Nous avons mis en avant nos cuvées bio qui représentent 80 % de notre production et ça a marché. »
Ces importateurs ont retenu trois références : un côtes-du-rhône-villages rouge signargues, un côtes-du-rhône rouge et un blanc. Volume de la commande : 34 000 cols. « Nous avions perdu l’an passé un marché sur un volume équivalent, complète Anna Tyack. Nous allons ainsi recoller au score. » Les États-Unis sont à la quatrième place des marchés export de la cave coopérative derrière la Scandinavie, le Canada et le Japon.
Même si le climat s’est assombri, Olivier et Rémy Devictor estiment que le marché devrait repartir avec le millésime 2023. « Après la conjoncture atypique des deux dernières années, nous entrevoyons un retour à la normale, exposent-ils. Les Américains sont toujours friands du dernier millésime. Nous espérons renouer avec des commandes début janvier. » Alors, rebond ou pas rebond ? Pour le savoir, il faudra attendre quelques mois.