Poudre de perlimpinpinard

omme dans les temps bibliques où de l’eau pouvait être transformée en vin, des adeptes de la nutraceutique promettent de rajeunir les peaux avec du vin. Des extraits de raisin dopés en oligoéléments étant présentés comme une cure de jouvence. Le tout avec une valorisation miraculeuse qui laisse songeur. Contenant du jus de raisin non-fermenté, 14 fioles de 15 ml sont par exemple vendues 85 € par l’entreprise Vinésime. Soit l’équivalent de 300 € la bouteille de 75 cL Certes, on trouve dedans du marc de raisin issu des Charmes Chambertin Grand Cru, appellation bourguignonne cotée dans ces prix… Mais comme on ne trouve que 150 mg de marc dans chaque fiole, qui sait… Le covid et la guerre en Ukraine ont peut-être fait exploser les prix des autres ingrédients (cannelle, cassis, cerise, eau, framboise, lipides de blé, polyphénols de raisin, sélénium, vitamine C et E, zinc…) ?

Pour se développer sur un marché concurrentiel, cette gamme de nutri-cosmétique joue à fond sur son ancrage viticole, dans le vignoble de Bourgogne à Gevrey-Chambertin. Sont évoqués dans l’environnement commercial les Climats et l’UNESCO, les millésimes et les cépages… Et même une originale macération de feuilles de vigne rouge avec du Champagne ! Mais le plus surprenant reste la communication décomplexée sur les effets bénéfiques du French Paradox, théorisé dans les années 1990 par le docteur Serge Renaud. On restera rêveur à l'évocation d'« une consommation régulière et modérée de vin (habitude française par excellence) [ayant] des effets bénéfiques sur la prévention des maladies cardiovasculaires... En cause ? Les polyphénols » indique la communication de la marque, ajoutant même que son élixir a la « même puissance anti-oxydante qu’un verre de vin de pinot noir […] à savoir la protection du système cardio-vasculaire des Français consommateurs de vin rouge ! » Une efficacité prouvée par un essai clinique sur 60 femmes après 15 jours ajoute un communiqué*.

Pouvant sembler anecdotique, ce sujet a de quoi laisser rêveur, alors que de nombreux vignerons cherchent à se diversifier pour pérenniser leurs vignobles… Si l’on imagine des vins désalcoolisés en appellation, pourquoi ne pas réfléchir à la protection et au développement de l’usage nutraceutique des raisins issus de ces AOC ? Un sujet certes glissant pour les cosmétiques, comme en témoigne le précédent judiciaire de Caudalie avec les grands crus, mais nécessaire au vu du manque d’encadrement qui transparaît actuellement. Si la déconsommation de vin frappe la filière et pèse sur son avenir, les compléments alimentaires continuent de se développer sur le marché national. Avec une résistance notable face à la déconsommation comme le note le Syndicat National des Compléments Alimentaires (Synadiet). Présenté comme une solution miracle aux consommateurs, l’usage nutraceutique des produits de la vigne pourrait être une piste à structurer dans les réflexions d’avenir du vignoble.

 

* : Le site de vente en ligne indique de même que « l’extrait de Charmes-Chambertin Grand Cru apporte l’équivalent en polyphénols et resvératrol d’un verre de Pinot Noir, dont la consommation favoriserait le renforcement du système cardiovasculaire (le French Paradox). »