l faut croire que le GNR, ça le vénère. Lors de son discours d’ouverture des Assises des Finances publiques ce lundi 19 juin à Bercy, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, propose une série de mesures pour désendetter la France, dont l’objectif de « réduire les dépenses publiques sur les carburants ». Visant les « tarifs réduits sur les transports routiers, sur le gazole non routier non agricole et agricole » (GNR), Bruno Le Maire reconnait que « ce n’est pas simple, ce n’est pas facile à entendre », mais affirme que s’il faut « inciter chacune et chacun, citoyen ou entreprise, à aller vers la décarbonation de son activité, il ne faut pas garder des avantages fiscaux sur les énergies fossiles. Assez avec l’empilement, place aux choix politiques. »
Sans doute pour éviter que les tracteurs agricoles ne bloquent du jour au lendemain les axes routiers, l’ancien ministre de l’Agriculture (2009-2012) rappelle que ce projet de suppression des avantages du GNR est récurrent. Autant que les promesses présidentielles de pérennisation des exonérations sur l’emploi saisonnier, le TO-DE, depuis sa suppression par le gouvernement en 2019. La suppression du tarif réduit de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) applicable GNR était pour sa part inscrite dans la loi de finances de 2020, pour une application progressive sur trois années. Reportée depuis, crise covid et guerre en Ukraine obligent, cette évolution fiscale témoigne avant tout de réticences au changement pour Bruno Le Maire, qui veut brusquer les habitudes sans donner l’impression de les forcer : « au lieu de systématiquement reporter, je propose que nous mettions fin à ces avantages sur les énergies fossiles de manière progressive, sur quatre ans, avec un calendrier jusqu’en 2030. En accompagnant les professions avec des mesures pour les aider à opérer leur transition. »


Si le ministre de l’Économie précise avoir conscience que la transition énergétique sera compliquée, les syndicats agricoles comptent bien le lui rappeler que des alternatives électriques n’existent pas à tous les usages thermiques et que les coûts de renouvellement restent conséquents. Dans un communiqué publié ce 19 juin, la FNSEA réagit aux annonces en soulignant que « la taxation réduite actuelle reste un facteur de compétitivité de la Ferme France, notamment pour compenser les coûts de main-d'œuvre plus importants en France que chez nos compétiteurs européens et mondiaux, ces coûts ne pouvant être répercutés sur l'aval ». Souhaitant une planification écologique concertée avec Matignon, le syndicat agricole majoritaire espère tempérer les ardeurs fiscales de Bercy pour avoir le temps de développer des alternatives sur-mesure.
Prônant une « incorporation plus importante de biodiesel », la FNSEA demande des arbitrages structurants* et des « mesures compensatoires », car « sans mesures justement dimensionnées, conduire à la fois une mesure budgétaire de réduction de la détaxation du GNR et augmenter les taux d'incorporation de biodiesel, plus onéreux à produire, aboutirait clairement à une double sanction, incompatible avec les objectifs de souveraineté alimentaire et de transition énergétique portés par l'agriculture française. »


Un objectif qui semble partagé par Bruno Le Maire, qui pose à Bercy comme questions : « voulons-nous être les champions de la dette, des déficits, des impôts ? Ou bien voulons-nous être les champions des investissements, des innovations et de la transition écologique ? Voulons-nous être une nation qui emprunte et qui importe ou une nation qui créé des richesses et qui exporte ? » Et le ministre de répondre : « nous voulons rester une nation de production manufacturière, agricole, industrielle, une nation qui créé de la richesse. » Tout en affirmant sa volonté de ne pas plier sur sa trajectoire de réduction des dépenses : « je vois le scepticisme général dans lequel sont en général accueillies toutes les tentatives de rétablissement des finances publiques. C’est un aiguillon pour moi à tenir ferme, à tenir bon, à tenir l’engagement pris par le président de la République. » De quoi éviter de mettre de l'eau dans le gazole entre Bercy et le monde agricole ?
* : Comme les « questions d'allocation de la ressource en biodiesel entre les secteurs d'activité, régime juridique et fiscal applicable à un carburant de type B 30, difficultés concernant l'application des garanties constructeurs… »