xpliquer sans excuser. Affligeante par sa violence verbale, la séquence où l’on voit un vigneron lancer un « va faire la soupe salope, grosse salope » à la députée écologiste Sandrine Rousseau (Paris) ce 12 juin au domaine Ventalaillote (à Ventenac-Cabardès, Aude) témoigne de l’impasse et de l’impossible dans laquelle le débat sur la production viticole en particulier, et agricole en général, se trouve bloqué. Venue avec la députée Marine Tondelier (Hauts de France) « alerter sur un projet de golf et d'hôtel de luxe » avec un collectif local et mener « un atelier des États généraux de l'écologie [avec] une cinquantaine de participant·es inscrit·es » sur le domaine Ventalaillote, dont l’accès a été bloqué par des vignerons audois. La canalisation par les forces de l’ordre n'a pas permis d'éviter bousculades et invectives.
Avec cette tension physique et cette violence verbale, « l’attitude est choquante, mais elle n’est pas très étonnante dans ce climat tendu, où l’on répète à l’envi qu’il y de l’agribashing » estime Olivier Lozat, l’animateur de la Confédération Paysanne dans l’Aude (qui n’était pas impliquée dans l’évènement, accueilli par l’un de ses membres), ajoutant que l’« on a l’impression qu’il y a un déni face à la nécessité de changer de pratiques. Le dialogue est difficilement possible. Mais ils se trompent de cible, il faut un accompagnement pour réussir la transition écologique. »


« Il y a une animosité entre les mondes écologistes et agricoles » explique pour sa part un viticulteur ayant participé à « une manifestation spontanée de la base ». Reconnaissant que les députées « ont été un peu insultées, ce n’était pas à propos, ça n’apportait rien », ce connaisseur du vignoble audois minimise cependant : « c’était viril, mais c’est resté raisonnable ». Comme si le tempérament sanguin de l’Aude en temps de crise permettait de s’affranchir des plus élémentaires règles de débat respectueux. Pour cet autre viticulteur, les élus écologistes « sont là pour nous sauver et nous expliquer ce que l’on doit faire avec leurs dogmes et leurs idéologies. Nous sommes plus concrets et réalistes. Nous ne voulons pas d’aides, nous voulons de la compétitivité et vivre de notre métier. Nous avons beaucoup investi dans les mesures agroécologiques, mais nos charges ont augmenté, la production bio reste dans nos caves et tout est compliqué avec la déconsommation et l’inflation » ajoute ce viticulteur, qui n’est pas confiant alors que « la distillation tarde et ne résoudra rien ».
Entre les deux parties, des échanges ont pu avoir lieu, sans être fructueux. « Les positions sont tellement différentes que cela ne change rien. Tout le monde s’entend, mais personne ne se comprend » indique un participant, qui pronostique de nouveaux débordements face à la crise latente dans le Midi. Crise économique, mais aussi climatique. Le président d’une cave coopérative voisine rapporte que ce serait la prise de parole sur l’irrigation inutile en viticulture d’un membre de la Confédération Paysanne lors des Assises de l’eau à Carcasonne qui aurait mis en colère certains vignerons demandant à bénéficier de l’irrigation. « Le sujet est épidermique en pleine sécheresse » résume ce viticulteur.


Pour la députée Marine Tondelier, « le sujet c’est l’incommunicabilité. L’escalade de la violence. Nous traversons une crise environnementale et une crise sociale. La crise démocratique est en train de s’y ajouter. Et après, on fait quoi ? » La secrétaire nationale d’Europe Écologie Les Verts ajoute sur Twitter qu’elle n’oubliera « pas cette rencontre. Je souhaite qu’elles se multiplient, même si ça n’est pas toujours simple, car le défi historique de l’habitabilité de la planète qui se présente à nous : nous ne pourrons le relever qu’ensemble. » Un viticulteur audois lui propose de venir voir d’autres modèles pour passer des paroles aux actes : « il faut arrêter de n’aller que de dans des domaines bio et Confédération Paysanne. La viticulture conventionnelle existe aussi. » Et la viticulture respectueuse des débats, des idées et des personnes existe également.