orsque de faibles volumes de récolte se sont conjugués à une demande inassouvie, tous les ingrédients étaient réunis pour gonfler le prix des vins de Bourgogne. Ce phénomène a été qualifié par le chroniqueur spécialisé Neal Martin de « collision qui devait arriver ».
Les difficultés se sont accentuées plus particulièrement avec le millésime 2021. Dans l’ensemble, les prix de lancement du millésime sont montés de 25% d’après le dernier rapport de Liv-ex sur la Bourgogne, la faute aux rendements extrêmement faibles.
Conscient de la spirale des prix à la hausse, le président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne, Laurent Delaunay, reconnaît que l’interprofession est inquiète mais estime que les ajustements de prix ne se produiront pas du jour au lendemain. Le volume de production naturellement faible en Bourgogne par rapport à celui de Bordeaux entraîne obligatoirement « de la tension et de la rareté sur le marché ».
En 2021, les gelées du mois d’avril suivies des orages de grêle et des précipitations ont engendré un recul de 50% des volumes par rapport à une année normale, selon le BIVB. Par conséquent, les prix ont atteint des niveaux astronomiques, mais c’est l’appellation régionale qui a grimpé le plus, selon Laurent Delaunay. Autrement dit, la catégorie de vins les plus accessibles dont la région a besoin pour toucher la génération future de consommateurs.
« Les prix du pinot noir et du chardonnay en Bourgogne régionale en vrac ont doublé, témoignant de la très forte pression sur le marché où les prix ont réagi de manière excessive par rapport à la réalité », a expliqué le président du BIVB. Et d’ajouter : « C’est plus préoccupant », que les hausses de prix des grands crus ou premiers crus. Grâce à leur rareté, ces derniers trouveront toujours preneurs. Mais pour les vins régionaux plus abordables, qui représentent plus de 50% de la production totale de la Bourgogne, c’est une autre histoire. « Ce sont les seuls vins où nos volumes sont suffisants pour que nous soyons référencés en grandes surfaces, dans les chaînes hôtelières, pour répondre aux appels d’offre etc. Et ils influent de manière significative sur l’ensemble de l’économie bourguignonne », souligne-t-il.


« Que ce soit les leaders en Bourgogne, les principaux acteurs ou les gens du BIVB, nous sommes tous très conscients de la situation. Nous en sommes préoccupés. Nous espérons qu’il ne se produira pas une sorte de « Bourgogne bashing » comme cela s’est produit avec Bordeaux il y a dix ou quinze ans », ajoute-t-il. Selon le président du BIVB, il faudra au moins deux récoltes généreuses consécutives pour stabiliser les prix des Bourgognes.
Le millésime 2022 se présente comme une récolte abondante. Les vins de Bourgogne ont annoncé une hausse de 75% des volumes par rapport à ceux de 2021, totalisant près de 1,75 million d’hectolitres de vins. Si les prix des raisins et des vins en vrac pour l’appellation régionale ont légèrement diminué pour la récolte 2022, « ils n’ont pas beaucoup baissé, en tout cas ils ne sont pas revenus aux prix des 2020 », note Laurent Delaunay. « Il nous faudra deux millésimes généreux coup sur coup pour stabiliser les prix et les trois prochains mois (pour le millésime 2023) seront critiques, c’est-à-dire les mois de mars, avril et mai, en raison des risques de gelées. Par la suite nous saurons si le millésime sera bon ou pas ».