a période de 90 jours pendant laquelle les pays membres de l’OMC pouvaient transmettre leurs commentaires est désormais terminée et on commence à en savoir plus sur les avis exprimés. Pour rappel, le projet de règlement élaboré par les autorités irlandaises n’ayant pas suscité de réaction de la part de la Commission européenne, l’Irlande a soumis son projet à l’OMC dans le cadre de l'accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC). Comme l’indique le Comité européen des entreprises vins à Bruxelles, « les principaux partenaires commerciaux de l'UE, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, ont confirmé leurs préoccupations » sur ce projet de règlement. Celui-ci prévoit d’introduire des mentions obligatoires indiquant notamment, que « la consommation d’alcool provoque des maladies du foie », et qu’il « existe un lien direct entre l’alcool et les cancers mortels ». Ces mentions s’imposeraient non seulement au niveau de l’étiquetage mais également sur la présentation des produits commercialisés sur le marché irlandais.


Si ce projet a provoqué de vives réactions de la part de 13 Etats membres de l’Union européenne, dont l’Italie, la France et l’Espagne au moment de la phase de consultation au sein de l’UE, il continue d’en susciter au niveau international. « Les partenaires internationaux ont exprimé leurs préoccupations dans le cadre du processus de notification à l'OMC, reprenant pour l'essentiel les mêmes perplexités déjà soulignées ces derniers mois par les États membres de l'UE », explique Mauricio González-Gordon, président du CEEV. « Ces commentaires représentent un signal important et significatif pour l'Irlande et la Commission européenne quant à l'impact critique que la législation irlandaise aura sur le marché unique de l'UE et sur l'image de l'UE elle-même ».
Si tous les avis n’ont pas encore été publiés, celui de Cuba, qui défend les producteurs et exportateurs de rhum cubain, en dit long sur les préoccupations exprimées. « Nous pensons que cette loi représente un obstacle à la libre circulation des marchandises au sein du Marché commun de l’Union Européenne et qu’elle génère en même temps des obstacles disproportionnés et inutiles au commerce international… » Si les autorités cubaines disent partager la volonté de protéger la santé humaine et d’encourager la consommation modérée, elles s’interrogent « sur la pertinence de la mise en garde proposée, qui utilise des termes inexacts et disproportionnés et risque d’être alarmiste, en particulier à la lumière des preuves relatives à la consommation responsable et modérée d’alcool. En outre, ces avertissements ne reflètent pas la complexité des risques pour la santé des consommateurs d'alcool, qui varient considérablement en fonction du volume et du mode de consommation ». Plus catégorique encore, la position cubaine affirme : « Nous n’avons trouvé aucune preuve scientifique solide démontrant que la présence de ces avertissements diminue la consommation nocive de boissons alcoolisées »
Au-delà des coûts opérationnels engendrés par la nécessité de créer des séries spécialement dédiées au marché irlandais et l’impossibilité de réorienter les produits vers d’autres marchés, Cuba pointe l’incohérence de la position irlandaise au sein de l’Europe. « La Commission a déjà proposé « une indication obligatoire (...) des avertissements relatifs à la santé sur les étiquettes d'ici à la fin de 2023 » dans le cadre des travaux approfondis déjà en cours au titre du plan « Vaincre le cancer en Europe ». Les initiatives unilatérales des États membres, telles que ce projet de loi, saperont ces efforts dans l'ensemble de l'UE. L'adoption de ce projet de loi annulera l'intention de la Commission européenne de légiférer dans ce domaine et contredira la législation européenne harmonisée existante ». De son côté, le secrétaire général du CEEV, Ignacio Sánchez Recarte, conclut : « La Commission européenne a la lourde tâche de justifier, lors de la réunion du comité sur les obstacles techniques au commerce, la compatibilité de la mesure irlandaise avec le droit communautaire et le marché unique de l'UE. Nous continuons à appeler la Commission européenne à prendre ses responsabilités et à défendre les traités, la législation et le marché unique de l'UE. La Commission devrait ramener le débat dans la bonne direction, c'est-à-dire lutter contre l'abus d'alcool par l'éducation et l'information appropriée des consommateurs, et travailler sur un cadre juridique européen harmonisé ». Le projet de règlement irlandais sera soulevé et discuté au niveau de l'OMC lors de la prochaine réunion du Comité des obstacles techniques au commerce, prévue le 21 juin.