’est en toute discrétion que Frédéric Arragon a succédé, au mois de juillet 2022, aux 8 ans de présidence de Patrick Guiraud à la tête de l’appellation Sable de Camargue. Si ce dernier a conduit l’accession de l’IGP en AOC en mai 2022, son successeur et la centaine de producteurs de cette nouvelle appellation attendent maintenant une ultime validation de protection européenne (AOP) pour finaliser la protection totale de leur dénomination. « Nous l’espérions pour les vendanges 2022, mais nous prenons notre mal en patience », souffle Frédéric Arragon, propriétaire de 15 ha de vignes et vice-président de Sabledoc, la cave coopérative d’Aigues-Mortes où il apporte l’intégralité des raisins qu’il produit.
Riche de 3000 ha de vignes cultivées des bords du Rhône jusqu’au littoral sétois, l’appellation présente des spécificités bien particulières, comptant par exemple dans ses rangs « la plus grande exploitation européenne, les Grands Domaines du Littoral cultivant un peu plus de 1600 ha de vignes entre Aigues-Mortes et Sète ». La salinité de ces sols sableux a néanmoins opéré à un spectaculaire retour sur le devant de la scène il y a deux ans. « La nappe phréatique salée est très proche, dès un mètre de profondeur, et fait barrière chimique à l’extension racinaire », décrypte Frédéric Arragon. Une lentille d’eau douce de quelques centimètres surnage pourtant sur cette nappe salée, permettant à la vigne de puiser son alimentation hydrique. La gestion de cette fine épaisseur d’eau douce est donc essentielle pour le maintien du vignoble et des autres cultures du secteur. « Par facilité, nous avons petit à petit délaissé les pratiques des anciens : entretien des canaux et équipements d’alimentation en eau douce permettant de renouveler cette couche », poursuit le président de Sable de Camargue. Si bien que le retour d’une salinité trop importante des sols en 2021 a mis en péril leur capacité à accueillir des cultures en 2021.
Transversale entre les différentes cultures et coordonnée par le syndicat mixte de la Camargue gardoise, une commission de la salinité a été mise sur pied en 2021, permettant de mettre en œuvre des mesures de correction d’urgence, « des lâchers d’eau douce depuis les écluses du canal du Rhône », mais aussi le lancement des études et travaux indispensables à la remise en fonctionnement des équipements traditionnels de gestion de la salinité. « Les études s’achèvent et les travaux de restauration des canaux, de réhabilitation des portes batelières d’alimentation en eau douce avancent bien », reprend Frédéric Arragon. Des barrages anti-sel, immergés et bloquant les flux d’eau les plus chargés en sel (plus denses donc plus profonds) seront également réinstallés, « car ils laissent l’eau la moins salée circuler au-dessus de ces barrages au plus près de la surface », explique Frédéric Arragon. Le vent et l’érosion éolienne des sols est une autre contrainte climatique incontournable du secteur, les vignerons doivent donc obligatoirement semer des céréales après vendanges, pour que celles-ci soit installées dès la chute du feuillage en novembre, et assurer le maintien de l’intégrité des sols. Des moutons mérinos patûrent tout l'hiver ces couverts jusqu'au débourrement de la vigne.


Très engagée sur le bio, avec 90% du vignoble certifié, « et nous visons les 100% bio», appuie le président, Sable de Camargue se distingue également par une production exclusive de vins gris et gris de gris, essentiellement élaborés à partir de grenaches gris et noir, merlot, ugni blanc ou cinsault. Très dynamiques, les débouchés commerciaux reposent sur une présence affirmée en grande distribution française et un essor de la vente directe liée à la forte attractivité touristique du secteur. « Nous ne dépendons d’aucune interprofession mais devons introduire plus de cohérence dans la communication et la promotion globale. Chaque caveau fonctionne un peu dans son coin mais nous souhaitons apporter plus d’homogénéité dans la communication et l’image. Idéalement, cela passerait par la création d’une route des vins de Sable de Camargue, pour accompagner les visiteurs dans un parcours entre les producteurs », espère Frédéric Arragon.
Très exposé climatiquement, ce vignoble des sables tire pourtant des bénéfices de sa localisation littorale. La fraîcheur marine tempère les vagues de chaleur estivales. « C’est un avantage face à l’évolution climatique, que ce soit pour la proximité de la ressource hydrique ou l’effet tampon contre les fortes chaleurs, nous n’avons donc pour l’heure de problèmes particuliers de pertes d’acidité, même si la précocité des vendanges est indéniable, dès le 8 août en 2022 », apprécie le président de l’ODG Sable de Camargue.