oujours inquiets de la non-valeur juridique de leur seule DGP (dénomination géographique protégée) face à l’imminente obtention d’AOP par les voisins des Sables de Camargue, les producteurs de l’IGP Bouches-du-Rhône mention Terre de Camargue espèrent l’obtention de l’IGP à part entière pour la récolte 2024. « Lors de notre assemblée générale de janvier 2022, nous avons acté le dépôt de demande officielle de passage en IGP pour Terre de Camargue, ce que nous avons effectué dans la foulée auprès de l’INAO (Institut National de l'Origine et de la Qualité) », explique Patrick Michel, vice-président de l’IGP Bouches-du-Rhône Terre de Camargue.
Le 22 mars dernier, une réunion de finalisation du cahier des charges de la prétendante IGP avec les services régionaux de l’INAO a permis de franchir un nouveau cap dans cette marche, dont l’enjeu essentiel réside dans la sécurisation de l’utilisation du terme Camargue pour la douzaine de producteurs concernés. « Cette mention territoriale existe depuis 2011, mais en tant que dénomination géographique complémentaire (DGC), elle n’a aucune valeur juridique face à une AOP telle que Sables de Camargue », poursuit Patrick Michel. Malgré un accord de co-utilisation du terme Camargue, depuis la transformation de l’IGP Sables du Golfe du Lion en Sables de Camargue en 2011, Patrick Michel et ses collègues producteurs restent inquiets. Leur DGC n’avait déjà pas de valeur juridique de protection du nom Camargue face à l’IGP Sables de Camargue, mais face à une AOP, ils redoutent que n’importe quel tiers puisse décider de dénoncer l’utilisation du nom Camargue au détriment d’une AOP reconnue à l’échelle européenne.


« Nous avons également été alertés par les représentants du parc naturel régional de Camargue, dont certains de nos producteurs utilisent le logo sur leur étiquette. Ils estiment que tant que nous ne sommes qu’une simple DGC, il y a un risque que le logo du parc soit considéré comme une protection abusive d’une mention qui n’est pas protégeable. Il est donc essentiel que nous parvenions à finaliser ce dossier d’IGP pour que le travail de notoriété commerciale que nous avons effectué depuis 12 ans ne soit pas mis en péril », argumente celui qui est également président de l’IGP du pays d’Arles. La réunion du 22 mars avec les services de l’INAO a permis de passer au crible les ajustements nécessaires du cahier des charges avant qu’il soit présenté officiellement en commission permanente en juin 2023.
L’aire de production reste la même que celle qui englobait la DGC Terre de Camargue, pour un vignoble de 600 ha concernant une douzaine d’opérateurs. « Nous avons simplement ajouté des variétés, supprimé d’autres, pour tenir compte des enjeux d’évolution climatique, mais nous sommes confiants sur la possibilité d’une issue rapide de ce dossier, pour la récolte 2024, car nous partons d’un cahier des charges déjà existant », poursuit Patrick Michel. A l’image de ce qui existe déjà avec l’IGP Alpilles, gérée par l’organisme de défense et de gestion (ODG) de l’IGP Bouches-du-Rhône, ce serait là aussi cette ODG qui serait en charge de la nouvelle IGP terre de Camargue. Son potentiel de production oscillerait entre 35 et 50 000 hl, « mais certains d’entre nous, qui ont des parcelles éligibles, ne s’engagent pas dans la mention car trop inquiets pour sa pérennité », ajoute le vice-président.
Une fois le dossier passé devant la commission permanente de l’INAO, une commission d’enquête devrait être nommée pour valider l’ensemble des composantes du cahier des charges postulant. S’il paraît clair et simple pour les producteurs de de Terre de Camargue, ce dossier pourrait néanmoins revêtir une profondeur politique d’importance. Patrick Michel indique en effet qu’un précédent existe en Europe, où AOP et IGP cohabitent pour le vinaigre balsamique de Modène. Contactés, les services de l’INAO rappellent cependant qu’il a été contrario été impossible de faire cohabiter AOP Corse et IGP Île de Beauté pour les charcuteries corses, car d’autres pays ne voyaient pas d’un bon œil cette dualité. A suivre donc.