À 25 ans, c’est un sujet dont on ne se préoccupe pas. On a l’impression d’être agile comme un chat. Les années passant, ça change. Surtout, on prend conscience des risques », déclare tout sourire Laurent Ménestreau. Au château de Brossay, à Cléré-sur-Layon, ce jeudi 9 mars, le président de la Fédération viticole de l’Anjou lance l’après-midi orchestrée avec la MSA sur la sécurité du travail en hauteur dans les chais.
C’est dans la cuverie du château, devant une quinzaine de vignerons et salariés, que se déroule la rencontre. Après une introduction sur les risques et les accidents (voir encadré), place aux ateliers pratiques pour prévenir les chutes, surtout lors des vinifications. Sans négliger l’accident plus commun qui se produit, par exemple, lors du remplacement d’une ampoule.
Le premier atelier se veut très pédagogique. Christelle Guillet, conseillère en prévention des risques, invite les vignerons à se pencher sur la maquette d’un futur chai et à y placer différents éléments (cuves, pressoir, barriques…) pour réfléchir aux conséquences de leurs choix. On a un peu l’impression de jouer aux Playmobil. C’est surtout l’occasion pour la conseillère de renvoyer les producteurs vers le site monprojetdechai.fr mis en ligne en 2021 par la MSA pour aider ceux qui veulent construire ou aménager un chai à intégrer la sécurité et le confort au travail.
Deuxième atelier : les échelles. L’entrée en matière de la MSA est claire : « Elles sont un moyen d’accès et non un poste de travail. » Pour relier les cuves entre elles, l’idéal reste les passerelles, mais tous les chais n’en sont pas équipés ou ne peuvent pas l’être. Il faut alors utiliser des échelles sûres. « J’en vois encore en bois », relate Vincent Morel, de l’entreprise L’Échelle européenne près d’Angers, invité à présenter son offre.
« Les accidents viennent des échelles qui glissent latéralement ou qui chassent vers l’arrière », souligne-t-il. La base, c’est donc la fixation sur la cuve. « Mais d’abord, une astuce pratique : comment trouver la bonne inclinaison pour une échelle ? » Réponse du technico-commercial : « On tend ses bras à l’horizontale sur les montants et on place les pieds de l’échelle au niveau des siens. » Vincent Morel présente ensuite différents modèles. « L’échelle à marches est beaucoup plus confortable et sûre que celle à barreaux. On économise 30 % d’efforts », souligne-t-il.
Mieux que les échelles : les plateformes mobiles. Ce sont de vrais postes de travail en hauteur dotés de garde-corps. Les unes sont basses pour accéder au pressoir, les autres hautes de plusieurs mètres pour aller aux cuves. Tout cela a un coût. Une plate-forme de 60 x 45 cm à 13 marches avec garde-corps affiche quelque 2 000 € HT.
« Mais ces matériels durent quinze ans », justifie Vincent Morel. Il existe aussi de petits escabeaux sécurisés bien adaptés pour accéder aux cuves en fibres de verre qui, une fois vides, peuvent se déformer sous le poids d’une échelle.
Le maître des lieux, Benjamin Grandsart, n’en manque pas une miette. C’est lui qui vinifie, assisté d’un salarié. En 2015, il a fait installer une passerelle au-dessus de deux cuves. Un équipement sécurisé qu’il devra prolonger car une troisième cuve est venue compléter la rangée. « On le fera cette année ou l’année prochaine », précise le viticulteur. Sans ambages, il avoue avoir chuté d’une échelle alors qu’il nettoyait une cuve au Kärcher. « L’échelle était mal positionnée. C’était à mes débuts. » Bilan : une entorse à la cheville et un poignet cassé.
Le vigneron suit également de près le dernier atelier où il apprendra comment s’assurer sur son autre plate-forme, faite maison et dépourvue de garde-corps. C’est le consultant Bruno Barbet qui se charge de présenter le travail en harnais. Au préalable, il a fixé des accroches dans la charpente pour installer une ligne de vie au-dessus de l’alignement de cuves, à la manière d’un accrobranche. Après avoir enfilé son harnais, il s’y accroche à l’aide d’un mousqueton. Ainsi, « en cas de chute, on ne tombe pas au sol », explique le consultant. De la même manière, on peut se sécuriser sur une échelle. « J’interviens quand il n’y a pas d’autres possibilités, indique le consultant. Mais l’idéal reste la plateforme sécurisée. »
« En agriculture, les chutes en hauteur représentent 10 % des accidents du travail. C’est la troisième cause d’accidents mortels », indique Hélène Charron, de la MSA du Poitou, en introduction de l’après-midi de ce 9 mars. Et Christelle Guillet, sa collègue du Maine-et-Loire, de renchérir : « Sur 143 accidents du travail enregistrés sur une année en viticulture en Maine-et-Loire, 30 étaient des chutes. Une partie survenue lors de montée ou descente d’engins et une autre dans les chais, en particulier avec des échelles qui glissent. »
« En termes réglementaires, l’employeur doit tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité de ses salariés. Ces derniers ont aussi l’obligation de respecter les règles, à condition qu’ils soient formés », rappelle Hélène Charron.