a HVE de guerre est déterrée, et ce n’est pas bio à voir… Depuis l’annonce d’une attaque en justice de syndicats bio et d’associations de consommateurs contre la certification Haute Valeur Environnementale (HVE), on assiste à un règlement de compte où chaque chapelle juge de mauvaise foi l’obédience concurrente et s’octroie le monopole des vertus. Les bio reprochent ainsi aux certifiés HVE de tromper le consommateur avec un logo aux promesses plus belles que ses réalisations de terrain, à commencer par l’usage de phytos de synthèse. Les HVE répliquent qu’ils sont le chaînon manquant entre le conventionnel et le bio, ajoutant que les consommateurs connaissent le logo AB sans savoir exactement ce qu’il signifie : l’idée qu’il n’y a pas un traitement pesticide en agriculture biologique étant assez fréquente dans le grand public. Les bio sentent le coup venir et répliquent que leur usage du cuivre est raisonné et réduit, qu’il faut arrêter de parler de métal lourd s’accumulant dans les sols. Les HVE s’agacent en mettant en avant le manque de prise en compte de la biodiversité dans le règlement européen biologique, se moquent du bilan carbone de la bio et voient dans les mauvais chiffres commerciaux des produits bio la cause de ces passes d’arme.
Qui a tort ? Qui a raison ? Sans aucun doute chacun des deux camps : qui a raison de défendre ses bonnes pratiques, mais tort de refuser de voir qu’elles pourraient encore s’améliorer en s’inspirant d’autres cahiers des charges. À chacun de balayer devant sa porte ? Plutôt à chacun de se rendre compte qu’il habite tout juste à côté du voisin qu’il critique. Tous sont sous un même toit, dans une maison commune : la filière des vins de France. Ce n’est pas la première fois qu’il est question d’addition des vertus dans un édito de Vitisphere ("de la médisance à la mieux-disance" en 2021, "compromission impossible" en 2022…). Certains lecteurs ont déjà jugé "béni oui-oui" cet appel à une vision conciliante et coconstruite, mais il demeure que le développement durable est une voie d’amélioration toujours perfectible, où les arrêts ne peuvent être pleinement satisfaisants. Idem pour une certification : atteindre le niveau requis n’empêche pas de vouloir faire mieux, y compris en dehors de ce qui est demandé. « Il y a bien de la différence entre l'homme vertueux et celui qui a des vertus » résume Jean-Jacques Rousseau dans son discours sur la vertu des héros de (1751), qui chasse « l'idée d'une perfection morale » pour un assemblage « composé de bonnes et mauvaises qualités salutaires ou nuisibles selon les circonstances ». Ici, il s’agirait de penser contre soi et avec l’autre. Pourquoi pas avec une vision globale des pratiques vitivinicoles, comme les indicateurs affichant l’impact environnemental global que l’on voit apparaître*, ou même une note sur 100 de toutes les pratiques proposée par un lecteur voulant rendre le débat constructif. Alors, on enterre la HVE de guerre, tout le monde il est bio, tout le monde il est gentil ?
* : Comme éco-score et planet score, deux démarches qui sont en conflit, la première étant attaquée devant le tribunal judiciaire de Paris par la fédération européenne de l’agriculture bio (Ifoam).