xiste-t-il un sujet plus clivant dans le vignoble que la bio ? Il suffit de l'évoquer pour voir surgir les clivages viscéraux qui animent de tout temps le tempérament français en particulier, et la nature humaine en général. Une constance illustrée il y a 120 ans lors de l’affaire Dreyfus par Caran d’Ache, et visible depuis le week-end dernier avec le mouvement des gilets jaunes.
Mais revenons au vignoble et aux vifs débats sur la bio. Pour ses détracteurs, la liste des griefs enterre cette viticulture alternative : de l’impact environnemental du cuivre aux rendements en danger les années de forte pression sanitaire, en passant par l’empreinte carbone des nombreux passages en tracteurs et la méconnaissance, voire le malentendu, entre les consommateurs et le cahier des charges bio (souvent vu comme une absence de traitements). Pour les défenseurs de la bio, le discours est diamétralement inversé, se basant sur la diminution des doses de cuivre, l’absence de résidus de pesticides dans les vins, l’emploi de davantage de main d’œuvre... Sans oublier l’argument massue d’un marché tellement demandeur, que même un vin en conversion est recherché par le négoce.
Alors que notre société se prélasse dans les débats clivants, jugeant les consensus moins inatteignables que mous, la complexité de la réalité nécessite de prendre du recul pour saisir les forces et faiblesses de chaque système. Il n’est plus temps de mettre dos à dos conventionnel et bio, que de les joindre main dans la main. Mais encore faut-il être capable de s’entendre au lieu de s’opposer d’emblée. A priori irréconciliables, ces deux viticultures s’équilibrent l’autre dans une nécessaire quête d’amélioration. Tout en appuyant le constat qu’il n’existe pas de solution miracle, mais seulement des compromis à optimiser.
Ce besoin de faire cause commune se sédimente dans le vignoble. Comme pour la réhomologation européenne du cuivre, où le malheur des uns ne fera pas le bonheur des autres. La preuve avec cette interview, sur la nouvelle TV Vitisphere, du viticulteur bordelais Bernard Farges. S'il ne peut être confondu avec un ayatollah de la bio, il en reconnaît, sans langue de bois, les intérêts. Existe-t-il un sujet plus enrichissant dans le vignoble que la bio ?