n tant que président du Comité national de l’agriculture biologique (CNAB) au sein de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), Olivier Nasles s’attèle à interpréter et à expliciter de la manière la plus simple possible le règlement européen 2018/848.
« Ce n’est pas toujours facile » reconnait-il, à l’occasion d’une conférence sur le salon Millésime bio ce 30 janvier revenant sur quelques évolutions apportées par le texte. Entré en vigueur le premier janvier 2022, il autorise l’étiquetage « vin en conversion vers l’agriculture biologique ».
« Cette possibilité n’est offerte que si le seul ingrédient végétal d’origine agricole mis en œuvre est du raisin. Elle exclut la chaptalisation, l’apport de Moût Concentré Rectifié (MCR), même bio, et la mutation » explique d’abord Pascal Laville, inspecteur national de l'INAO et chargé de la commission vin bio du CNAB.
Le règlement précise par ailleurs que la conversion de la totalité de l’exploitation doit s’achever dans les 5 ans, « et non 8 ans comme nous l’interprétions avant ». Si un vigneron déjà certifié achète ou prend en fermage des parcelles non bio, il doit immédiatement les faire entrer en conversion. « C’est le seul moyen d’avoir du bio et du non bio dans une même exploitation et la seule dérogation à règle de la non-mixité de l’atelier vin » insiste Olivier Nasles.
Il est en revanche interdit de déclasser du vin bio pour vendre plus de vin en conversion. « Même si cela surprend, on ne peut déclasser du bio qu’en conventionnel ».
Le règlement a également reprécisé l’obligation pour les viticulteurs et arboriculteurs d’utiliser du matériel de reproduction végétal bio. « Le texte pris en 2021 pour lutter contre la flavescence dorée autorise des traitements sans produits de synthèse. La commission « semences et plants » de l’INAO travaille désormais avec les pépiniéristes français à l’établissement d’un guide de bonnes pratiques pour la production de plants bio » résume l'inspecteur.
Pour accélérer l’arrivée sur le marché des plants certifiés, l’acte délégué pris l’année dernière autorise les pépiniéristes à utiliser des greffons et porte-greffes d’origine non bio. « La période de conversion sera largement amortie pendant les 30 ans voire plus de vie de la vigne. C’est différent d’une graine de carotte qui produit en 40 jours » estime Olivier Nasles.


Tant que cette production reste anecdotique, et avant la fin de la dérogation en 2035, « à laquelle beaucoup ne croient pas, car sur un marché comme la pépinière, 2035 c’est avant-hier », les viticulteurs n’ont pas besoin de demander d’autorisation particulière pour utiliser des plants non bio. « Ils peuvent utiliser des plants en conversion ou conventionnels s’ils ne trouvent que cela et obligatoirement déclarer leurs besoins sur semences-biologiques.org ».
Cette base de données permet à l’INAO d’évaluer le marché et sera utilisée par les pépiniéristes pour planifier leur production partager leurs disponibilités quand ils en auront. « Nous nous interrogeons sur la nécessité de mettre en place des seuils de prix tant que l’offre sera limitée » admet Pascal Laville. « Le risque est que les vignerons se tournent vers des combinaisons greffons / porte-greffes pas encore disponibles en bio si celles qui sont proposées leur coûtent 5€ par plant » complète Olivier Nasles.
Avec le nouveau règlement, un vigneron peut perdre la certification d’un vin en bio s’il contient des pesticides même s’il n’en est pas responsable. Un vrai problème pour le président de la CNAB. « Plus d’un tiers des vins bio présentent des traces de phosphonates. Je suis en train de mettre en place un groupe de travail avec les organismes certificateurs, des laboratoires et des professionnels au sein du CNAB pour que les lots ne soient pas bloqués le temps que les contrôleurs prouvent que la contamination n’est pas liée à une mauvaise pratique viticole ».
Toujours au vignoble, des groupes travaillent enfin sur le recours aux UV-C pour lutter contre le mildiou et la réutilisation des eaux traitées pour irriguer.
Côté œnologie, le binôme rappelle le passage de 70 à 75°C pour la température maximale lors du traitement thermique des vins, ouvrant la voie à l’utilisation de nouvelles techniques. Il rappelle aussi que la désalcoolisation totale ou partielle n’est pas autorisée en bio. Le CNAB aimerait faire autoriser les enzymes pectolytiques pour la macération et l’électrodialyse pour la stabilisation tartrique.