e la douceur... à la douleur de l'hiver ? « L’anticyclone des Açores laisse passer les flux du Sud. Les températures de décembre sont de 2°C supérieures à la moyenne » indique Emmanuel Buisson, expert météo chez Weenat. « Les anomalies vont perdurer au moins jusqu'à mi-janvier. Cela fera près d'un mois que les végétaux sont soumis à un faux-printemps » renchérit l’agroclimatologue Serge Zaka (ITK).
Conséquence de cette météo exceptionnelle, la vigne pourrait débourrer avec beaucoup d’avance à Bordeaux, dans le Sud-Ouest, les Pyrénées-Atlantiques et Orientales, et tout le bassin méditerranéen.
Le début d’hiver froid a en effet levé l’endodormance dans de nombreux vignobles. A l'Institut Agro Montpellier, le professeur en viticulture Alain Deloire a fait le calcul dans l’Hérault. « La station météorologique de l’Institut Agro de Montpellier indique 11 jours à 8°C ou moins depuis le 1er novembre. La vigne est donc entrée en écodormance ».
D'après la bibliographie, il faut ensuite environ 10 jours à plus de 10°C pour qu’elle amorce son débourrement. « En fonction des modèles, on parle de 9°C pour le merlot et 12° pour le cabernet sauvignon » illustre Loic Debiolles, chargé d'affaires en viticulture chez ITK. Avec le changement climatique, Alain Deloire place ce curseur à 15°C, avec des températures équivalentes dans le sol pour permettre aux racines de pomper de l’eau.
« Quoiqu’il en soit, pour l’instant les jours sont courts, et un 17°C en janvier n’a pas les mêmes conséquences sur la croissance qu’en avril. La vigne sait qu’elle est en hiver. On verra certainement quelques photos de pleurs sur les réseaux sociaux ces prochains jour, mais elle ne va pas débourrer et fleurir en janvier » estime Serge Zaka.
Pour les agroclimatologues, c’est en février que tout va se jouer. « Le mois était initialement prévu froid et sec, mais les tendances sont de moins en moins nettes » regrette Emmanuel Buisson.
Les viticulteurs ne se montrent pas trop inquiets. « A Bordeaux, la saison de taille est bien lancée. Il va faire doux encore quelques jours puis le temps devrait se rafraîchir » témoigne Joël Ortiz, directeur de l’antenne Sud Gironde de la Chambre d’agriculture.
Espérons-le, car, « sans froid pour remettre les compteurs à zéro », les experts pensent que le débourrement pourrait démarrer sur les premiers cépages vers la mi-février, d’abord dans le secteur de Perpignan. Et les prévisions saisonnières annoncent un mois d’avril anticyclonique, synonyme de gelées blanches.


En plus des dégâts de gel, Alain Deloire s’inquiète du manque de pluie. « Si les sols n’affichent pas une réserve utilise d’au moins 50 %, le débourrement ne sera pas homogène et les rameaux primaires moins fertiles » prévient-il. Selon lui, l’irrigation est déjà essentielle dans certains secteurs.
« Dans les Pyrénées-Orientales et l’Aude, la sécheresse de l’été n’est pas terminée. Si cela n’évolue pas, la vigne pourrait sauter une saison de recharge et se retrouver dans une situation de fort stress hydrique dès le printemps » abonde Serge Zaka. Le reste du Languedoc a été plus arrosé. Et des pluies sont désormais prévues sur une bonne partie de la France en février. « Comme il n’a pas assez gelé pour tuer l’inoculum des champignons, il va falloir être vigilant à l’émergence des maladies dès le début de saison ».