Réjouissant album de bande-dessinée pour découvrir (éditions les Arènes : 368 pages pour 25 €), l’Incroyable histoire du vin : de la préhistoire à nos jours se décline un jeu de plateau (35 €), avec les textes de Benoist Simmat et les dessins de Daniel Casanave. « Mis en boîte à la propriété », ce parcours ludique dans les âges vitivinicoles (Préhistoire, Antiquité, Moyen-Âge et temps modernes) demande de répondre correctement à des questions aussi variées dans leurs formes (vrai/faux, texte à trou, QCM…) que dans le fond (des locutions latines aux chansons à boire, en passant par la géographie des vignobles, leurs cépages, leurs traditions… avec des réponses parfois loin d’être évidentes). Pouvant se jouer sans plateau, l’Incroyable histoire du vin est accompagné d’un livret permettant de poursuivre l’apprentissage (frise et explications pour chaque question).
Qui ne rêve pas de découvrir du château d’Yquem (premier grand cru classé supérieur en 1855 à Sauternes, Bordeaux) ou du Domaine de la Romanée-Conti (grand cru de la Côte de Nuits, Bourgogne) sous la sapin ? Une solution plus abordable, et réaliste, réside dans les beaux livres récemment réédités de Richard Olney : Romanée-Conti (initialement paru en 1992) et Yquem (publié à l’origine en 1985). Publiées aux éditions Flammarion (39 € l’ouvrage), ces deux sommes sont actualisés par des photos et entretiens des réalisateurs Vérane Frédiani et Franck Ribière.
Les textes originaux étant repris, on voit Richard Olney s’appliquer à battre en brèche nombre de légendes et histoires enjolivées, à commencer par l’origine du nom des propriétés (pas de lien avec l’antiquité romaine pour la Romanée-Conti, pas de lien entre Yquem et Montaigne, Michel Eyquem de Montaigne). Pas de conte de fées, mais un décompte de faits : « quelle différence avec tant de ces livres écrits sur la Bourgogne qui recopient l’un sur l’autre les mêmes légendes derrière lesquelles s’efface souvent la vraie histoire tellement plus passionnante ! » écrit Aubert de Vilaine dans la préface de Romanée-Conti.
Mettant l’accent sur l’actualité des domaines (nouvelle génération avec Perrine Fenal et Bertrand de Villaine pour DRC, conversion achevée au bio pour Yquem en 2022… ainsi que des dégustations verticales poursuivies), les ouvrages soulignent le caractère exceptionnel des terroirs de ces deux vignobles, les inscrivant dans l’histoire. Ce qui impose à leurs dirigeants actuels « le sentiment du devoir […] de faire au mieux et de mener le geste jusqu’à son extrême élégance, en respectant ce qui a fait et continuera de faire la grandeur d’Yquem » explique Pierre Lurton, gérant du château depuis 2004 (et sa reprise par le groupe LVMH).
Lien entre les deux ouvrages, cette citation d’Alexandre de Lur Saluces, alors propriétaire du château d’Yquem : « Romanée-Conti, ce vin de rêve dont on ne parlait dans ma famille qu’à voix basse ».
« En 1971, lors de ma candidature aux élections municipales dans le Pas-de-Calais [à Quiestède], il m’avait été dit : "vous n’y pensez pas, il n’y a jamais eu de femme et il n’y en aura jamais !" J’entendis en Médoc sept ans plus tard : "une femme à la tête d’un vignoble ? Mais elle ne tiendra pas longtemps !" à cette époque en effet, il n’y en avait aucune : Philippine de Rothschild à Mouton t Corinne Mentzélopoulos à Margaux ne sont arrivées que plus tard » se souvient May-Eliane de Lencquesaing dans son autobiographie, les Vendanges d’un destin : de Bordeaux à l’Afrique du Sud (éditions Tallandier, 384 pages pour 23,9 €).
Suivant en quatre saisons sa vie, l’ouvrage ne manque pas d’histoires (comme de premières vinifications entre enfants pour ses douze ans) et d’enseignements. Ayant pris en 1978 la tête du château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande (après un tirage au sort des parts majoritaires de la société civile immobilière pour régler la succession familiale), « la générale » découvre à 53 ans un nouveau monde. Face à ce grand cru classé en 1855, « je cherchais des appuis » écrit May-Eliane de Lencquesaing, indiquant qu’un ami « accepta de m’aider à condition de lui donner des parts de la société. J’étais vraiment seule. » Enchaînant les investissements de modernisation et les déplacements de représentation, May-Eliane de Lencquesaing a incarné la renaissance du château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande jusqu’à sa vente en 2007. « Dans l’histoire d’une vie, il faut accepter de tourner les pages. Un chapitre se terminait avec la vente de Pichon » résume-t-elle, ajoutant « 82 ans ! Quel chemin reste-t-il à parcourir à un âge où l’on se dirige vers une fin ? Quel chemin prendre, celui du repos, de l’arrêt, ou encore celui de la création, de la vie ? Rebondir ? Encore ! » Loin de se désengager du vin, May-Eliane de Lencquesaing se dédie au vignoble planté à Glenelly, en Afrique du Sud (à Stellenbosch). « Là-bas, "la générale" du Médoc est appelée "Lady May" » s’amuse Jean-Robert Pitte dans sa préface, soulignant : « avoir traversé huit décennies du XXème siècle et demeurer du vif-argent au seuil de la troisième du XXième siècle n’est pas donné à tout le monde ».