ulien Henry a planté ses premiers cépages résistants il y a 10 ans au domaine de l’Isle Saint Pierre, en Camargue. « J’ai commencé avec ceux issues de la recherche italienne, avant de me tourner vers les françaises, les allemands et les suisses » détaille-t-il.
Certaines variétés ont été plantées à titre d’essai sur un ou deux rangs au sein d’une parcelle. « Pour bien voir leur réaction aux maladies, leur adaptation au climat, au terroir, et pour pouvoir les vinifier dans des conditions de cave normales, j’en ai planté une dizaine d’autres sur une surface de plus d’un demi-hectare ».
Julien Henry a eu de mauvaises surprises. « Il y a des cépages qui sont super résistants, mais avec lesquels nous sommes incapables de faire de bons vins. D’autres restent très sensibles au mildiou, à l’oïdium, ou aux deux ».
Agronomiquement, le vigneron juge le vidoc et l’artaban « catastrophiques ». « Ils font des sarments de 5 mètres de long, des vignes rampantes, et leurs bois ne sont souvent toujours pas aoûtés en décembre, ce qui pose des problèmes de souplesse au moment de la taille dans une exploitation de plus de 200 hectares comme la nôtre » explique Julien Henry, qui trouve en plus que leurs vins manquent d’élégance et son trop colorés pour faire des rosés pâles.
Il ne développera pas non plus le cabernet volos, qui d'après son expérience et celle de confrères, est encore plus sensible à la flavescence dorée que le vermentino ou le marselan.
Les essais qui le déçoivent sont noyés dans des vins de France et stoppés. D’autres cépages trouvent à l’inverse toute leur place dans la gamme dédiée aux résistants que le domaine a créée en 2018, bien marketée et dotée d’un packaging éco-responsable, avec une bouteille allégée, des papiers FSC et des encres spécifiques.
Julien Henry est par exemple très satisfait du soreli. « Certains de mes confrères ont des problèmes de black-rot mais chez nous il se comporte très bien ». Le vigneron aime également le fleurtai, mais prévient qu’il faut le récolter dès qu’il atteint la maturité, sous peine de voir son état sanitaire se dégrader. Le souvigner gris serait parfait s’il n’était pas sujet à la flavescence dorée.
« Le sauvignon kretos est très qualitatif et aromatique mais plus sensible à l’oïdium que le chardonnay. Le sauvignon rytos manque quant à lui légèrement de vigueur ».
En rouge, le merlot kantus a l’inconvénient d’être très précoce. Le merlot korus mûrit un peu plus tard et donne de vins intéréssants, « ce qui n’est pas souvent le cas pour les résistants de cette couleur ».
Cette année, le domaine de l’Isle Saint Pierre a vinifié autour de 600 hl de résistants, dont 200 de soreli, embouteillé en monocépage et bien vendu aux particuliers et au réseau CHR.


« C’est le plus connu car c’est le premier que nous avons sorti. Je fais de plus petits volumes sur les autres références, un assemblage blanc de souvignier gris, fleurtai, et soreli, un assemblage rosé comprenant du cabernet volos, et un merlot korus rouge, étiqueté sans nom pour respecter la législation ».
Vendre cette gamme demande au domaine énormément de pédagogie et d’éclaircissements sur le recours aux traitements phytosanitaires, « sachant que nous sommes "Vignerons engagés", "Terra Vitis", et labellisés "HVE" (Haute Valeur Environnementale) mais pas "Agriculture biologique", et que beaucoup de gens pensent qu’il n’y a pas de phytos en bio » regrette Julien Henry.
Le vigneron doit par ailleurs expliquer que les merlot kantus ou korus, et autres, ne sont pas des OGM. « Mais une fois que les gens ont compris la démarche et goûté les vins, c’est gagné ».
A côté des résistants, il mise sur la plantation de cépages tels que le malbec ou le sangiovese présentant une acidité adaptée au changement climatique. Julien Henry teste en plus l’irrigation enterrée et songe à poser des ombrières pour réduire l’évaporation l’été et éviter le gel l’hiver. « Nous essayons de trouver de bonnes idées pour l’avenir en restant vertueux. Je suis la quatrième génération et j’espère que d’autres après moi pourront profiter de notre beau terroir ».