ncore un sale coup du Covid-19 ! Si les vins de Bordeaux sont au cœur des 8 pages du dossier de Que Choisir intitulé "Comme une odeur de vinaigre", c’est à cause du confinement qui a mis un coup d’arrêt au début d’enquête des journalistes Pascale Barlet et Arnaud de Blauwe : prévoyant une enquête plus large au départ, ils se sont concentrés sur Bordeaux et Bourgogne (respectivement 8 et 2 dossiers judiciaires évoqués dans le dossier). « L’idée n’est pas de traiter seulement Bordeaux, mais les fleurons du vignoble avec la Bourgogne. Il s’avère qu’à Bordeaux nous avons eu davantage de témoignages sur des affaires » indique Pascale Barlet. « On a fait un choix, qui s’appelle un angle. Comme tous les choix il peut être contestable et critiquable. Il l’est d’ailleurs » ajoute Arnaud de Blauwe, soulignant que l’« on ne va pas se mentir, le milieu du vin à Bordeaux est assez intéressant à décortiquer pour de nombreuses raisons (plus grand vignoble de France, plus prestigieux…). »
Si le focus bordelais de ce dossier revient dans de nombreuses critiques de la filière bordelaise (notamment dans cette tribune), les contempteurs de Que Choisir reprochent la reprise des propos sans fondements factuels de Caroline Baret, magistrate retraitée ayant jugé une série d’affaires vitivinicoles récentes, estime qu’« environ 40 % du vin de Bordeaux est mélangé ». Pointant qu’un certain nombre d’affaires n’arrivent pas jusqu’en audience, Arnaud de Blauwe indique que cette estimation est argumentée et étayée par la juge retraitée : « on peut penser que le chiffre est crédible. Mais on parle de mélange. » Dans un commentaire déposé sur Vitisphere, l’ancienne magistrate confirme ses propos (« ce ratio est cohérent, au vu des chiffres des douanes, de la dreets (dont la plupart de l'activité se termine par des observations, celles-ci n'étant pas portées sur la place publique) ») et précise parler « ici de vins mélangés, et non uniquement coupés. Ceci concerne les excédents non partis à la distillerie, les vins de négoce improprement rattachés à un nom de propriété, les hectos "francisés", d'autres pratiques ».
Défendant l’« idée de faire une enquête et de dresser le paysage de ce que l’enquête a amené à découvrir », Pascale Barlet note que « nous sommes bien conscients que le dossier suscite de l’émotion ». Mais plus que les attaques sur un angle ou un chiffre, Arnaud de Blauwe se demande « pourquoi personne ne réagit sur l’affaire Yanka Ferrer ? Pour lever les doutes, il faudrait que l’affaire soit traitée. » Revenant dans la filière, la critique sur les pistes amorcées dans un sous-entendu ou la pirouette d’une interrogation découle des inconnues restant en suspens pour Arnaud de Blauwe : « beaucoup d’éléments font que l’on doit laisser planer doute ».
« Ce papier choque les Bordelais, mais, en tant que citoyens, ils ne seraient pas choqués si Que Choisir faisait un papier sur les coulisses de l’Autorité du Médicament » estime le journaliste, affirmant que « notre rôle est d’aller voir ce qui se passe dans les coulisses ». Relevant l’intérêt des lecteurs pour ces informations, Pascale Barlet pointe le rôle de Que Choisir pour interpeller les autorités. Notamment sur le manque de personnel dans les services de contrôle des Douanes et de la Répression des Fraudes. « C’est une vraie inquiétude à Que Choisir : la force publique se retire et il y a de plus en plus d’autocontrôles » réagit Arnaud de Blauwe.
Mais à l’avenir, si le duo d’enquêteurs se repenche sur le vin, ce sera sans doute en Languedoc, Touraine, Côtes de Provence…
Dans leur article publié, les auteurs relèvent deux erreurs à corriger. Comme les conditions climatiques du millésime 2021 rapportées sous l’année 2022. Concernant les contrôles inopinés, ils « ont essentiellement lieu entre la période des vendanges et non d'avril aux vendanges » indique Arnaud de Blauwe. Deux correctifs qui seront publiés dans le prochain numéro du mensuel.