e 19 mai, le temps est sec. Le thermomètre bat des records de chaleur. Mais en déambulant dans ses vignes, Éric Berthonnaud, viticulteur bio à Germignac, en Charente-Maritime, observe déjà de-ci de-là quelques taches de black-rot sur les feuilles. « Elles n'ont pas de pycnides, elles ne vont donc pas forcément générer de contaminations. Mais le champignon est là, sous-jacent. Il faut faire attention », indique-t-il.
Installé sur 45 ha, Éric Berthonnaud a toujours eu du black-rot dans son secteur. Mais depuis une dizaine d'années, le parasite est en recrudescence et « devient compliqué à gérer », au point de provoquer de fortes attaques certaines années. « Il m'est arrivé de perdre 50 % de récolte dans des parcelles de merlot, un cépage très sensible avec lequel j'élabore des vins de pays. Et sur de l'ugni blanc, j'ai déjà eu jusqu'à 30 % de dégâts. »
Eric Berthonnaud
Le vigneron met donc tout en œuvre pour lutter contre cette maladie. Le 10 mai, il a effectué un premier traitement fongicide avec des panneaux récupérateurs au stade 5 à 6 feuilles étalées avec 300 g de cuivre métal et 4 kg de soufre, un mélange qui a un effet contre le black-rot. « Sulfater quand il n'y a pas de risque de mildiou, ni d'oïdium, c'est difficile. Mais la météo annonçait quelques millimètres de pluie. Cela suffit pour que le black-rot se développe », justifie-t-il.
Éric Berthonnaud est réintervenu le 18 mai avec 300 g de cuivre métal et cette fois 6 kg de soufre car la vigne avait beaucoup poussé et des orages étaient annoncés. « Le feuillage est aussi très longtemps humecté par la rosée. Avec le black-rot, il faut se méfier des rosées qui durent de 6 heures à 14 heures. Cela suffit à engendrer des contaminations. » Tant que la pousse est active, le vigneron assurera une protection sans faille. Il renouvellera ses traitements « tous les 8 à 10 jours pour accumuler du cuivre et du soufre et ne pas me faire surprendre par le parasite » et plus rapidement en cas de pluie lessivante. À chaque passage, il emploiera entre 250 et 400 g de cuivre métal et jusqu'à 8 kg de soufre. Il restera vigilant jusqu'à la véraison. « Je lèverai le pied après le 20 juillet, si tout est sain. Mais je continuerai à surveiller attentivement mes parcelles. En cas de symptômes, je remettrai un peu de cuivre. En revanche, en fin de saison, on ne met plus de soufre pour éviter les problèmes de réduction lors de la distillation. »
Le black-rot donne aussi du fil à retordre aux viticulteurs qui travaillent en viticulture raisonnée. Installé sur 85 ha à Sigogne, Marc Veillon s'astreint à une surveillance attentive du parasite depuis qu'il a eu des attaques significatives il y a six à sept ans. « J'ai longtemps fait partie d'un groupe Dephy. Pendant des années, ayant peu de pression, j'ai réduit les doses d'anti-oïdium, sans trop me soucier du black-rot. Cela a laissé la porte ouverte au parasite qui est réapparu. Désormais, j'ai de l'inoculum dans le sol pour au moins dix ou quinze ans », rapporte-t-il.
Mi-mai, il a fait une première intervention avec une demi-dose de soufre sur 20 ha et 2/3 de dose de Gréman sur les 65 ha où les vignes étaient les plus développées. À l'époque, le risque mildiou était faible. Marc Veillon n'a pas jugé utile d'appliquer un antimildiou. En revanche, la pression du black-rot était déjà très forte, le vigneron ayant déjà vu quelques taches sur ses feuilles. Après les averses orageuses des 22 et 23 mai, il s'est dit qu'il avait eu raison de traiter de bonne heure. « La situation black-rot va devenir explosive dans les zones où la maladie n'a pas été contrôlée, prévient-il fin mai. Pendant toute la période de forte sensibilité de la vigne à la maladie, je vais appliquer un produit actif contre le black-rot. »
Son confrère Philippe Meneret, viticulteur à Saint-Eugène (Charente-Maritime), travaille sur 20 ha de vignes. Lui aussi voit davantage de black-rot depuis sept ou huit ans, même s'il n'a jamais subi de pertes de récolte. « J'arrive à le contenir en veillant bien à chaque traitement à prendre un antimildiou ou un anti-oïdium qui ont une action sur le black-rot. » Cette année, il a démarré le 13 mai avec 2 kg/ha de Microthiol (soufre) et de l'Enervin à demi-dose. « La maladie est là. On voit de rares taches. J'ai renouvelé la protection le 21 mai avec 4 kg d'Odalisk (folpel + fosétyl) pour le mildiou et 0,5 l de Mayandra (tébuconazole) contre l'oïdium », détaille-t-il fin mai.
Symptômes de black-rot sur feuilles (crédit photo : Christelle Stef)
Dans le Gard, les frères Nicolas et Rémi Villessèche, installés à Pougnadoresse sur 85 ha, ont été confrontés à de fortes attaques de black-rot en 2014 et 2015. « En 2014, nous avons pris 100 mm d'eau les 4 et 5 juillet, puis une tempête de grêle le 20 juillet, se rappelle Nicolas. Quand on a fait la tournée pour estimer les dégâts dus à la grêle, on s'est rendu compte que l'on avait plein de taches de black-rot. J'évitais alors les IBS à cause des résistances. Début juillet, j'avais mis un anti-oïdium qui n'était pas efficace contre le black-rot d'où les attaques. J'en ai rattrapé une partie par la suite. Mais en 2015, rebelote. J'ai démarré mon programme avec un anti-oïdium qui ne contrôlait pas le black-rot. Je me suis retrouvé début mai avec une nouvelle grosse sortie de black-rot. »
Depuis, il veille à bien démarrer la protection avec un antimildiou ou un anti-oïdium qui contrôle le black-rot. Et à chaque renouvellement, il veille à employer un produit efficace contre la maladie. Depuis, il n'a plus de problème, alors que la maladie rôde. « J'ai des friches à proximité de mes parcelles, indique-t-il. Elles me servent de témoin. Tous les ans, elles sont attaquées par le black-rot. » Cette année ne fait pas exception. « On observe déjà plein de taches dans la friche », rapporte-t-il le 20 mai. Le signe qu'il doit maintenir une protection sans faille.
« On a débuté les traitements le 3 mai car on a eu des pluies du 20 au 23 avril et le 3 mai au soir il y avait un risque d'orage. On a mis 2 kg/ha de Cabrio Top. La pyraclostrobine est efficace contre le mildiou, l'oïdium et le black-rot. Elle a un effet de rattrapage sur le black-rot. Dans Cabrio, elle est associée au métirame qui, lui aussi, a un effet sur le black-rot. J'évite d'en mettre en cours de saison à cause des résistances. Mais en début de campagne, il n'y a pas de risque car on est en préventif. Le 17 mai, j'ai renouvelé la protection avec le pack Stadium (kiralaxyl + folpel) / Antène (tétraconazole). Le tétraconazole est un IBS qui a un effet curatif et préventif sur le black-rot. Je vais rester vigilant jusqu'au début de la véraison, les grappes restant sensibles au black-rot jusqu'à ce stade. Tant que les baies ne sont pas complètement vérées, la maladie peut progresser. »
À l'avenir, Nicolas Villessèche espère l'arrivée d'un OAD pour mieux raisonner les traitements contre le black-rot. « Cela permettrait de réduire les IFT car, pour certains produits, la dose black-rot est plus élevée que la dose oïdium. »
Outre les traitements au cuivre et au soufre, Éric Berthonnaud applique des mesures prophylactiques l’hiver pour réduire au maximum l’inoculum dans ses parcelles les plus attaquées. « Lors de la taille, je retire les grappes momifiées coincées dans les fils et les piquets et j’essaye d’enlever un maximum de vrilles. Dans certains cas, je brûle tout avec les sarments. Dans d’autres, je broie tout avec mon broyeur-récupérateur et me sers des copeaux pour constituer un paillis que j’épands sous les haies ou du compost que je mets dans les champs. L’idéal serait de faire cette prophylaxie une fois tous les trois ans. Je tâtonne encore. » De son côté, Marc Veillon laisse les lattes propres en retirant les baies momifiées. Mais il les broie au sol avec les bois de taille. « L’inoculum reste dans la parcelle », reconnaît-il.