« Ça a l’air pas mal », rapporte Vincent Boyer. Le 17 mars, R-Tech Solutions est venu chez lui faire une démonstration de son nouveau système de lutte contre le gel. Avec d’autres vignerons de Meursault, il a découvert une gaine en polyéthylène d’un millimètre d’épaisseur que l’on attache au fil porteur. À l’entrée de cette gaine, relié à une armoire électrique, un ventilateur envoie 2 000 Watts d’air de 25 °C plus chaud que l’air ambiant. Dès lors, la gaine se gonfle et disperse l’air chaud par des microperforations placées sur toute sa longueur.
Lors de la démonstration, la gaine a été déployée sur 100 m, sa longueur maximale. « On a mesuré 17 °C au début du manche et 13 °C à la fin. Ça souffle l’air chaud directement sur la baguette », détaille Vincent Boyer qui dirige le domaine Boyer-Martenon avec sa sœur Sylvie. Est-ce suffisant par une nuit de gel ? Impossible de le dire avec certitude, le système n’ayant pas pu être déployé début avril.
R-Tech solutions a conçu cette gaine pour répondre à des clients en recherche d’un système amovible ne gênant pas les travaux viticoles. « Contrairement au câble, une fois le risque de gelées passé, on peut la replier facilement sur elle-même pour la stocker. Elle ne pèse que 20 kg pour 100 mètres », assure Arnaud Roussac, gérant de l’entreprise. Pour l’accrochage, « Il faut un peu de temps, mais pas plus que pour poser des bougies », assure Vincent Boyer.
Le raccordement à l’armoire électrique va encore plus vite. « On branche chaque rang à l’aide de kits de connexion rapide », indique Arnaud Roussac. Il faut une gaine par rang, 19 € par mètre de gaine et 6 000 à 7 000 € pour une armoire 27 rangs.
Autre innovation, un canon mobile à air chaud d’une puissance de 1,8 million de watts. Signé : Michael Paetzold. « L’idée m’est venue lors des gelées d’avril 2021, confie le président de la société du même nom. En aidant des amis, je me suis aperçu que les moyens à leur disposition n’étaient pas totalement efficaces. » Miguel Aguirre, directeur d’exploitation au château La Tour Blanche à Bommes dans le Sauternais compte parmi les premiers utilisateurs de cette machine.
Trois nuits de suite, jusqu’à l’aube du 5 avril, il a cherché à protéger 10 de ses 20 ha de vignes situés sur un plateau avec le brûleur Paetzold. « 80 % des bourgeons étaient dans le coton. Dans les vignes les plus avancées, on avait une à deux feuilles étalées », indique-t-il. Les deux premières nuits, il a fait -3 °C au plus froid. Le vent du nord aidant « on a réchauffé l’air ambiant de 2 °C à 40 m et de 1 °C à 80 m. J’étais prudemment optimiste quant au résultat ». Mais au cours de la troisième nuit, le vent a tourné au sud, réduisant fortement la portée du souffle d’air chaud alors qu’il faisait à nouveau -3 °C. Voyant cela, Miguel Aguirre a déplacé la machine. Dans ces conditions, les vignes ont-elles été bien protégées ? Le 5 au matin, il était trop tôt pour répondre.
Le château La Tour Blanche a investi 130 000 € dans cet équipement et brûlé 2 000 l de fuel. Il a pris cette décision après avoir perdu presque toute sa récolte suite au gel de l’an dernier. « On apprend à l’utiliser, indique Miguel Aguirre. C’est un investissement parmi d’autres pour réduire notre sensibilité au gel ».
Tout est allé très vite pour les rockets stoves imaginées par Jean-Baptiste Bonnigal, son associé Stéphane Bodet et son demi-frère Jean-François Pascal. « Jusque-là, on brûlait des piquets de vigne usagés dans des bidons au pied des tours antigel ou on allumait des bougies, explique ce vigneron cogérant du domaine Bonnigal-Bodet, 40 ha, à Limeray dans l’appellation Amboise. La combustion n’était pas bonne et ce n’était pas pratique. On s’est assis autour d’une table et on a eu l’idée d’utiliser des rockets stove, des poêles qui chauffent très fort et qui brûlent totalement les fumées. »
Le premier modèle est sorti entre Noël et nouvel an. « On l’a présenté à la Cuma des Tours à Montlouis, poursuit Jean-Baptiste Bonnigal. Ils nous ont dit qu’il fallait améliorer le confort d’utilisation. On a travaillé sur l’écoulement des granulés. »
Pour lutter contre le gel, le domaine Bonnigal-Bodet possède huit éoliennes. « Chacune est donnée pour protéger 4 ha, mais c’est plutôt 2,5 à 3 ha, observe Jean-Baptiste. Nous avons placé quatre rocket stove par tour. Dix minutes après l’allumage, la combustion est complète. Au plus bas dans la nuit du 2 au 3 avril, nous avons relevé -2,9 °C à -3,4 °C selon les secteurs. À 80 m des tours, on a gagné 0,8 à 1,2 °C et à 120 m, 0,4 à 0,6 °C. » La nuit suivante fut plus ventée faisant chuter les performances des tours. « Les vignes les plus avancées, quelques chardonnays, étaient au stade pointe verte. On n’a pas gelé », assure le vigneron le 7 avril.
Trois chaudronniers à Amboise, Saint-Nicolas-de-Bourgueil et à Chambray-lès-Tours disposent des plans de ces poêles. En quelques semaines, juste avant l’épisode de gel, ils ont en vendu une centaine. Comme des petits pains.