Yannick Jadot : J’aime en particulier les vins nature, évidemment avec modération. Et, c’est un cliché de le dire, mais bien entendu le vin, c’est du patrimoine, du symbole national et une importance économique. Mais, à titre personnel et je crois pour beaucoup de gens, le vin évoque des moments de joie, des samedis soir entre amis, des instants d’été partagés. Je pense à ce beau titre d’un film de Klapisch qui se passe dans une exploitation viticole, Ce qui nous lie. Je rends souvent visite aux vignerons, c’est aussi comme cela que s’établit une relation… Pour écouter, regarder ce travail précieux, ce lien à la nature que raconte aussi Etienne Davodeau dans le superbe Les Ignorants [NDLR : album de bande dessinée paru il y a 10 ans].
La dénormalisation de la consommation d’alcool en général, et de vin en particulier, revient dans de nombreux projets de santé publique. À la présidence, quelle serait votre politique en la matière : promotion de la consommation avec modération ou renforcement des protections contre les consommations excessives ?
La consommation de vin est un plaisir dont il faut user avec modération. Depuis 2016, la loi prévoit une politique de réduction des risques et des dommages associés à la consommation d’alcool. Dans cette logique, nous réaffirmerons les principes de la loi Evin pour mieux encadrer la publicité et renforcer la prévention et le financement des structures de prise en charge.
Le vignoble s’empare de la transition agroécologique : souhaitez-vous accompagner le vignoble à son rythme (aides aux certifications, à la réduction des intrants, compensation des Zones de Non Traitement, ZNT…) ou aller plus vite (interdire certaines pratiques, réduire les matières actives, augmenter les ZNT…) ?
Il faut se parler honnêtement. Je comprends que beaucoup préfèrent entendre “l’Etat va accompagner les producteurs à leur rythme”, vraiment. Et je sais qu’il est commode de caricaturer les écologistes comme brutaux ou “éloignés des réalités concrètes”. Mais parlons honnêtement : les viticulteurs sont parmi les premières sentinelles du changement climatique, ils peuvent voir combien il est déjà urgent d’agir. Et l’enjeu est le même sur la protection de la biodiversité : les pesticides ont déjà des conséquences, qu’on sait mesurer. L’usage de molécules réputées cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques ou de perturbateurs endocriniens doit être drastiquement réduit. Des solutions alternatives vertueuses ont démontré leur efficacité, elles ne sont pas hors de portée. C’est pourquoi je propose un accompagnement massif à la conversion vers le bio et un programme d'adaptation au changement climatique. Je prévois des aides à la conversion et aux emplois créés, des formations à l’agro écologie, un fort soutien à la recherche pour adapter les cépages aux aléas climatiques et éprouver les alternatives aux traitements à base de cuivre.
La filière viticole a tout à gagner à cette conversion car le vin bio crée 50 % d'emplois de plus et son image est excellente. Pour financer des politiques d’incitation à la conversion, nous mobiliserons les enveloppes actuellement consacrées aux solutions curatives.
Face au dérèglement climatique, quelle serait votre politique de soutien (assurance récolte, mises en réserve…) ?
Les régimes assurantiels, souvent très coûteux, ont montré ces dernières années leurs limites, aussi bien en termes d’accès que de couverture effective des risques. Aucune hypothèse de travail ne doit être à ce stade écartée : les conséquences du changement climatique sont rapides et sévères, et les producteurs doivent être sécurisés dans la diversité de leurs situations.
Avec le changement massif de génération à venir se pose la question de la fiscalité de la transmission familiale des biens viticoles : quelle serait votre réponse ? Comment voyez-vous le vignoble français à la fin de votre mandat, en 2027 ?
Notre proposition est de mettre en place des politiques fortement incitatives pour accompagner le repreneur dans une démarche de transition écologique. C’est au moment de la transmission qu’il est possible d’impulser des changements majeurs. Les vignerons qui s’installent seront la cible prioritaire de nos aides qui faciliteront la reprise tout en répondant au défi écologique.