Anne Hidalgo : J’ai avant tout un attachement culturel et personnel au vin. Particulièrement aux vins de Bourgogne, que j’associe au souvenir d’une visite des Hospices de Beaune quand j’étais en CM2. J’aime aussi certains vins puissants, à l’image du Cahors, et le Côtes-du-rhône, en souvenir de Lyon et de mon père.
La dénormalisation de la consommation d’alcool en général, et de vin en particulier, revient dans de nombreux projets de santé publique. À la présidence, quelle serait votre politique en la matière : promotion de la consommation avec modération ou renforcement des protections contre les consommations excessives ?
Je me réjouis que les comportements de consommation aient profondément changé ces dernières décennies grâce aux mesures de prévention. La consommation d’alcool n’est pas sans risque, il faut le garder à l’esprit. Je salue également la capacité d’adaptation du secteur viticole, qui a su faire le pari de la qualité face au recul de la quantité de vin consommée par Français. Pour autant, je ne prône pas le « zéro alcool ». Une politique de santé publique passe avant tout par la prise en compte des types d’usage. Pour cela, je veux mettre en place un plan de prévention axé sur l’alimentation, le sport et la santé environnementale.
Malgré la baisse du nombre de fermes et d’exploitants en France, le secteur viticole reste l’un des plus attractifs pour les nouveaux agriculteurs. La filière d’excellence de la viticulture française ne doit pas perdre cet attrait. J’engagerai tous les moyens nécessaires à sa transition, en termes de compensations, d’aides à la conversion et de formation initiale et continue. Je salue l’objectif de la Commission européenne de réduire de moitié l’utilisation de pesticides d’ici 2030. Des alternatives existent, avec les produits de biocontrôle notamment. Le travail du sol permet de se passer des herbicides : de nombreux viticulteurs vont dans ce sens, il faut accompagner les autres, sur le plan financier comme sur le plan matériel.
Face au dérèglement climatique, quelle serait votre politique de soutien (assurance récolte, mises en réserve…) ?
Le changement climatique menace directement notre agriculture. Je veux encourager l’innovation agricole pour prévenir cette menace, notamment par la recherche de cépages résistants et de pratiques d’agroforesterie offrant des zones d’ombre aux ceps. En parallèle, il faut repenser le système d’assurances pour mieux l’articuler avec le régime des calamités agricoles, appelé à changer en profondeur. Les assurances privées ne sont pas suffisantes, et face à l’aggravation des crises agricoles liées au dérèglement climatique, nous devons envisager le plus rapidement possible une extension de la solidarité nationale au-delà des seuls risques dits « exceptionnels » pour couvrir également des risques plus fréquents. Cela est particulièrement vrai pour le secteur viticole, et je crois que tous les agriculteurs, qu'ils disposent ou non d'un contrat d'assurance, doivent pouvoir bénéficier d'une indemnisation suffisamment large face aux aléas climatiques.
Avec le changement massif de génération à venir se pose la question de la fiscalité de la transmission familiale des biens viticoles : quelle serait votre réponse ?
Dès mon élection, je ferai adopter une grande loi sur le partage et la protection des terres agricoles. Elle encadrera l’ensemble des marchés fonciers et elle luttera contre l’accaparement des terres, par un plan décennal de renouvellement des générations d’agriculteurs et agricultrices.
Comment voyez-vous le vignoble français à la fin de votre mandat, en 2027 ?
Je propose un nouveau modèle d’agriculture, qui repose sur l’agroécologie : maintien des cycles de fertilité, utilisation de produits naturels, garantie des revenus des agriculteurs. C’est ainsi que nous construirons un modèle agricole qui protège à la fois les revenus des producteurs, leur santé et la qualité de leur production. Voilà ce que je souhaite pour le vignoble français en 2027 : une filière dont l’excellence et la réputation mondiale sont intactes, et qui a résolument poursuivi sa transition agroécologique grâce aux pouvoirs publics. Je le souligne car, pour les décideurs publics, fixer des objectifs en concertation avec la filière n’est raisonnable que s’ils s’accompagnent des moyens adaptés.