e Val de Loire a déjà dû faire face à une première nuit de gel. « Il y a fait entre 0 et -1,5°C, comme dans le nord du vignoble de Cognac » témoigne Serge Zaka, spécialiste en agroclimatologie pour ITK.
Certains viticulteurs du bordelais ont connu du -0,5°C, tandis que certaines parcelles de Bourgogne ont frôlé les 0°C. « Pour l’instant la couverture nuageuse, le vent, et l’humidité ont empêché les températures de descendre trop bas, reprend Serge Zaka. Mais l’air va s’assécher dans la nuit de samedi et la situation va se compliquer dans de nombreuses régions jusqu’à la fin de l’épisode mardi matin ».
Même son de cloche chez Weenat. « Les modèles météo à maille plus fine confirment l’intensité de la vague de gel avec un pic entre dimanche matin et lundi matin qui s’étendrait également sur la côte atlantique » indique Emmanuel Buisson, directeur de l’innovation.
Hier, l’algorithme Wefrost annonçait un risque de températures négatives de 50 à 90% en Alsace, en Bourgogne, et dans le Centre, de 50 à 80% dans le Val de Loire, de 40 à 60% dans le Sud-Est, de 30 à 70% en Aquitaine, et de 20 à 40% en Vallée du Rhône et dans le Languedoc.
A Chablis, il fera a priori -4°C dans la nuit de dimanche à lundi. D’après une simulation réalisée ce matin par Serge Zaka sur l’outil Prevent*, sans moyen antigel, les viticulteurs pourraient perdre 62% de leur vendange. « Cette estimation retombe à 40% avec des tours fixes et mobiles chauffantes. Elles seront moins efficaces du fait du vent et de l’air froid en altitude. L’idéal est l’aspersion pour sauver 100% des bourgeons. Avec les bougies, les vignerons pourront abaisser les pertes à 20% ».
Dans le Val de Loire, Serge Zaka table sur des pertes de 40%. « La vigne est au même stade qu’à Chablis mais il devrait faire légèrement moins froid ». En Champagne et en Alsace, le risque est très faible car le vignoble est encore en dormance.
Les vignerons de Bordeaux et de Cognac dont les parcelles sont très exposées pourraient perdre jusqu’à 30% de récolte. Mêmes estimations dans le Dijonnais. « De grosses incertitudes pèsent encore sur les vignobles du Pic Saint Loup, du nord de Nîmes, et plus généralement de l’arrière-pays méditerranéen et de Vallée du Rhône » poursuit l’expert. Les dégâts seront fonction du Mistral. « S’il s’arrête, il fera entre -3 et -4°C ».
La Chambre d’agriculture de l’Hérault et les experts en météorologie de Prédict Services ne sont pas très optimistes. « Le coup de froid pourrait débuter dimanche par des gelées advectives et se poursuivre lundi et mardi par des gelées radiatives. Les gelées les plus marquées (jusqu’à -4° localement) sont attendues sur le nord du département. Elles seront moins prononcées du Minervois au Biterrois en remontant dans la vallée, même si du -2° reste localement possible. Sur l’est du département, les températures pourront baisser jusqu’à -1° degrés » indiquent-ils via leur nouvelle alerte AgriPredict. Une alerte SMS a encore été envoyée hier à tous les agriculteurs et viticulteurs situés sur les communes à risque.
« Les sols ont gardé une certaine humidité suite à l'épisode cévenol d'il y a 15 jours, cela devrait limiter la casse » complète Paul Hublart, chef du service viticulture à la Chambre. Ses conseillers feront une tournée dans 150 parcelles précoces dès lundi matin pour évaluer les dégâts.


« En Vallée-du-Rhône, certains vignobles atteignent déjà 3 feuilles étalées » s’inquiète Tristan Perchoc, pour le Groupe ICV (Institut Coopératif du Vin).
Le conseiller rappelle que la vigne passe d'une sensibilité à partir des -8°C au stade bourgeon dans le coton, à un risque de gel dès les -0.5°C au stade éclatement du bourgeon et précise que « l'intensité des dégâts ne dépend pas uniquement de la température minimale atteinte mais bien du couple temps et température. Un froid moins intense mais de plus longue durée pourra être plus dévastateur qu'un froid plus intense mais bref. De la même façon, un dégel lent et progressif entrainera moins de dégâts qu'un dégel rapide ».
Sur les parcelles suffisamment avancées pouvant être touchées par le gel, les experts recommandent d’arrêter les travaux du sol pour éviter le rafraîchissement des sols et la remontée d’humidité, de mettre en attente les chantiers de taille et d’attachage, et de tondre à ras les enherbements des secteurs gélifs pour favoriser les flux d’air.
Quoiqu’il en soit, les viticulteurs ne perdront pas leur millésime en une nuit comme en 2021. « La vigne est moins avancée que d’autres cultures, comme les abricots » relativise Serge Zaka, restant conscient que des pertes journalières de 20 à 30% jusqu’à mardi pourraient sérieusement amaigrir la future récolte.
* Recommandations de moyens de protection les plus efficaces à Chablis, en Champagne, à Bordeaux et à Cognac pour le 3 avril et le 4 avril (simulations Prevent - ITK)