Les enjeux liés au changement climatique et à la réduction des intrants nous imposent de nous interroger sur le matériel végétal de façon très large » pose Éric Pastorino, le président du Syndicat des Vins Côtes de Provence. Ce début juin, le comité national des vins d’appellation de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) donne de nouvelles pistes d’adaptation au vignoble provençal en validant l’introduction de sept nouveaux cépages dans le cahier des charges de l’AOC.
Deux variétés pourraient devenir des cépages accessoires de l’appellation* dès 2022 (en cas de validation du Plan National d’Opposition et de décret), avec le Caladoc (cépage noir issu du croisement entre le grenache et le malbec) et le rousseli (cépage rosé traditionnel du Var, aussi appelé Rosé du Var ou Roussanne du Var). Les cinq autres cépages vont être expérimentés en tant que variétés d’intérêt à fin d’adaptation : l’Agiorgitiko et le Xinomavro (cépages noirs grecs), le Moschofilero (cépage rosé grec), le Nero d’Avola (cépage noir italien, aussi connu sous le nom de Calabrese) et le Verdejo (cépage blanc espagnol).


Cépage autochtone provençal, le rosé du Var est la seule de ses variétés à avoir déjà été produite dans les vins de Provence. « Le rousselli était présent dans le cahier des charges et a été retiré lors de l’accession à l’AOC » indique Nicolas Garcia, le directeur de l’AOC Côtes de Provence, qui rapporte que le cépage « ne correspondait plus aux standards qualitatifs de l’époque, avec une couleur claire et un faible degré. Des caractéristiques qui intéressent actuellement avec le changement climatique. »
Lancé en 2016 avec le Centre du Rosé et la Chambre d’Agriculture du Var, le suivi de parcelles d’essais (4 pour rousselli et 4 pour caladoc) a permis de confirmer leurs potentiels. Qu’il s’agisse de tolérance à la sécheresse et aux maladies ou de profils organoleptiques conformes aux profils des rosés de Provence.
« Il y a un intérêt pour la couleur pâle des peaux, rose à maturité. La maturité est tardive, avec moins de sucre dans les moûts. Un défaut qui est devenu une qualité » confirme Alexis Cornu, à la tête des châteaux de Berne (140 hectares), des Bertrands (80 ha) et Saint-Roux (45 ha) auxquels s’ajoute Ultimate Provence (45 ha). « Je fais partie des vignerons convaincus de l’intérêt du cépage Rousselli » souligne l’œnologue, qui met à profit l’expérience d’un hectare de rousselli au château de Berne.
« Ce cépage permet une vraie différenciation organoleptique, avec une acidité faible et peu d’aromatique. Son toucher suave est un très bon complément d’assemblage. Il est difficile à comparer à un autre cépage, sauf au cinsault pour son aspect juteux et ses grosses baies (ici roses) » rapporte Nicolas Cornu, pour qui l’enjeu se situe désormais dans la multiplication par les pépinières pour répondre à la demande qu’il prévoit croissante.
Si le caladoc et le rousselli sont deux cépages qui ont pu démontrer leurs potentialités, ce n’est pas encore le cas pour les cinq autres cépages étrangers, qui rentrent dans une phase expérimentale. Présélectionnés sur bibliographie pour leur tolérance à la sécheresse, leurs comportements agronomiques et leurs potentiels œnologiques, ces variétés vont être expérimentés sous le suivi du Centre du Rosé, de la chambre d’agriculture du Var et de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV), avec la possibilité de revendiquer l'appellation (dans la limite de 10 % de l'assemblage et 5 % de l'encépagement).
Il y a déjà des plantations réalisées en 2020 et 2021 rapporte Nicolas Garcia, une quinzaine de vignerons ayant anticipé la décision administrative. Accueillant des essais de cépages étrangers et résistants, le château Saint-Roux participe à cette volonté de « nourrir la recherche pour l’avenir. Seuls, nous ne pouvons pas faire grand-chose, mais le collectif permet d’avancer » souligne Alexis Cornu, pour qui d’autres leviers d’adaptation sont à envisager (gestion maîtrisée de l’eau au goutte-à-goutte, travail sur le porte-greffe…).
* : dans la limite de 10 % de l’encépagement.