n décembre dernier, les autorités suisses – au niveau fédéral et cantonal – ont versé les aides aux producteurs ayant fait le choix de déclasser leurs vins à AOC en vin de table pour un prix maximum de 2 francs suisses par litre (1,85€). Au total, 94 entreprises sur 144 demandes ont été retenues dans le cadre de la démarche, pour un volume global de 58 144 hl sur les 94 044 hl demandés. Le budget de 10 millions de francs suisses (soit environ 9,3 M €) a été quasi épuisé (98%) sachant que les cantons d’Argovie, Genève, Vaud et Valais ont décidé d’attribuer des aides cantonales complémentaires. L’Etat précise, par ailleurs, que l’écart entre les demandes et les attributions s’explique par des transferts de volumes vers les cantons, des refus pour non-éligibilité et des retraits de demande. La mesure, qui était assortie d’une obligation au sein des Cantons de réduire les rendements maximaux, a permis de limiter la production en 2020 : en effet, selon l’OIV, la récolte suisse s’est inscrite en baisse de 10% par rapport à 2019. Mais, la situation reste extrêmement préoccupante pour la filière, d’autant plus que l’Etat a décidé de prolonger la fermeture du circuit CHR jusqu’à la fin février. Or, le secteur vitivinicole national dépend fortement des ventes domestiques : sur une production de 900 000 hl, seuls quelque 13 000 hl (dont les réexportations) sont en effet exportés d’après les chiffres de l’Office fédéral de l’Agriculture pour 2019.
Dans un courrier adressé au Conseil fédéral à la mi-janvier, l’Interprofession de la vigne et des vins suisses et la Fédération suisse des vignerons demandent ainsi des mesures supplémentaires pour « assurer la sauvegarde des vignerons, des vignobles et des vins suisses dans ce contexte actuel de crise prolongée ». D’après les deux organismes, chaque mois de fermeture des restaurants équivaut à une perte de chiffre d’affaires de 50 M CHF (soit 46 M€). Par ailleurs, d’après GastroSuisse, « d’ici à la fin mars, la moitié des entreprises du secteur de l’hôtellerie et de la restauration feront faillite si elles ne reçoivent pas dès maintenant une compensation financière immédiate ». Au-delà de la couverture intégrale des pertes, d’une aide supplémentaire à la promotion en Suisse et à l’étranger, et de la mise en place d’une réserve climatique pour lisser l’offre, les professionnels demandent la modification du système des contingents tarifaires et l’adaptation de la franchise quantitative. En effet, ils souhaitent que le Conseil fédéral modifie les contingents tarifaires pour les importations de vin entre professionnels, mais aussi que la franchise pour les particuliers passe de 5 à 2 litres. Ils considèrent que « dans les régions frontalières, le passage quotidien d’usagers facilite grandement le trafic privé de marchandises, influençant l’écoulement de produits de la vitiviniculture suisse ». Rappelons que les contingents pour les vins blancs, rouges et rosés s’élèvent à 1,7 Mhl par année civile pouvant être importés au taux contingentaire. Les professionnels estiment que ce volume ne tient pas compte de la baisse de la consommation ces dernières décennies et que ce système autorise les importations de vins à des prix que les vignerons locaux ne peuvent concurrencer. Techniquement, cette démarche – un vieux serpent de mer – est possible auprès de l’OMC mais elle serait longue et ne permettrait pas, de toute façon, d’atténuer les effets d’une crise « sans précédent » pour la filière suisse.