e début d’année 2021, ce n’est pas la non-consommation d’alcool du « janvier sec » (ou dry january) qui préoccupe la filière vin, mais les multiples mesures anti-alcool proposées pour la stratégie française 2021-2031 de lutte contre les cancers par l’Institut National du Cancer (INCA). « Pour réduire la consommation nocive d’alcool et les dommages qui en découlent, l’action sur les prix peut être efficace » estime le site de l’INCA, qui souhaite « définir une trajectoire fiscale permettant de réduire l’accessibilité économique de l’alcool et de donner plus de cohérence au cadre fiscal actuel ».
Sont notamment proposées à l’exécutif trois mesures fiscales : la fixation d’un « prix minimum pour l’alcool à taxer selon le degré » (avec un suivi des expériences internationales pour une éventuelle transposition française), « une meilleure harmonisation de la fiscalité actuelle […] dans le sens d’une réduction des écarts de fiscalité les plus manifestes entre produits à même titrage alcoométrique » (qui toucherait le vin, aux droits d’accise inférieures aux autres alcools) et « une taxation des dépenses de promotion de l’alcool pourrait également être proposée » (ciblant les actions de marketing et de publicité).


L’INCA ne s’arrête pas là et propose « une information claire sur les boissons » en matière nutritionnelle (« quantité d’alcool en unité équivalant à 10 g, la quantité de sucre et le nombre de calories »), « une meilleure régulation du marketing et de l’offre, [comme] les modalités de publicité des boissons alcoolisées, notamment sur les réseaux de communication utilisés par les jeunes » (pouvant conduire à un durcissement de la loi Evin sur internet ou de nouveaux messages sanitaires obligatoires) et la création « d’un programme national interministériel dédié à la réduction de la consommation d’alcool » (ceci « afin de protéger la santé de la population »).
Cette batterie de mesures restrictives interpelle dans le vignoble, mais c’est l’arsenal fiscal qui inquiète le plus à court-terme. Mise en place depuis 2018 par l'Ecosse, le dispositif de fiscalité comportementale est aussi plébiscité par les associations hygiénistes que critiqué par la filière vin, qui n'y voit pas un levier de prévention des consommations à risque. Pour les représentants viticoles, l’INCA s'arc-boute sur des mesures punitives, datées et déconnectées de la réalité de la consommation française de vin (9 Français sur 10 boivent moins de dix verres d’alcool par semaine, conformément aux nouveaux seuils de consommation).
Alors que le vignoble français fait face aux effets économiques dévastateurs de la crise sanitaire et des surtaxes américaines, la crainte d’une stigmatisation d’une filière d’excellence à l’exportation est vive. Sollicitant ses élus loaux, le vignoble demance à ce que le gouvernement écarte ces propositions fiscales et soutiennent le message de consommation responsable de la filière. Dans la filière vin, on indique que l'exécutif devrait finaliser ce début février son plan décennal d’actions contre le cancer.


Approuvé à l’unanimité par le conseil d’administration de l’INCA le 27 novembre 2020, après une consultation citoyenne ayant enregistré 23 200 votes*, ce plan pour « le futur de la lutte contre les cancers des 10 prochaines années » a été remis en décembre au gouvernement, qui doit désormais prendre un décret ce premier trimestre 2021 (conformément à la loi du 8 mars 2019, confiant à l’INCA la proposition d’une stratégie décennale de lutte contre le cancer).
« Nous sommes sensibles comme tout le monde à la meilleure santé des Françaises et des Français et pour la lutte contre les cancers, mais cela ne doit pas passer par des taxes ! » indique la députée du Tarn Marie-Christine Verdier-Jouclas. Présidente du groupe d'étude vigne et vin de l'Assemblée Nationale, l'élue de la majorité ajoute que « nous les parlementaires seront vigilants à ce que la promesse du président de la république soit tenue : pas de taxe supplémentaire sur le vin dans ce mandat ! »
* : A noter que des propositions émanant d’associations et de la société civile n’ont pas été retenues par l’INCA. Telles « les mesures non éthiques […] comme stigmatiser ou pénaliser des personnes comme "exclure les fumeurs de la couverture sociale" ou "interdire la vente d’alcool aux patients traités pour une cirrhose alcoolique" » précise un communiqué de l’institut.